GOSPEL
Gospel #1-5 – Etats-Unis – 2022 / 2023
Genre : Fantastique
Dessinateur : Will Morris
Scénariste : Will Morris
Nombre de pages : 176 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 28 juin 2024
LE PITCH
Alors que le roi Henri VIII plonge son royaume dans la tourmente, Matilde, une jeune femme aspirant à devenir une grande héroïne, attend avec impatience que l’aventure frappe à sa porte. Malheureusement pour elle, c’est le Diable qui le fait. Poussés à l’action par cette infernale apparition, Matilde et le conteur Pitt partiront en quête de réponse dans ce monde plein de dangers et de magie, et participeront à écrire la petite et la grande Histoire du royaume d’Angleterre.
Petite musique sacrée
Urban multiplie depuis quelques mois les albums mettant en avant des propositions graphiques et thématiques qui sortent des sentiers battus. Avec sa superbe couverture tout enluminée et son format grand taille, Gospel fait partie de ceux-là. Un one-shot légèrement fantasy, légèrement philosophique, quelque peu historique et surtout très personnel.
Malgré son titre, Gospel ne se déroulent pas sur le nouveau continent, dans les terres recouvertes de champs de cotons, mais dans la vieille Angleterre, celle du 16eme siècle, des Tudors et de la grande réforme religieuse. Le Vatican ayant refusé de bénir le second mariage d’Henri VIII, il est alors décidé de rejeter en bloc l’église papale et de se tourner vers une pratique sans idole, aux dogmes nouveaux et à la bible traduite en anglais. Une authentique révolution civilisationnelle faite de chasses aux sorcières et de lieux de culte incendiés qui laisse la population perdue, sans repères. C’est dans ce cadre donc que s’installe Gospel, dans la petite ville de Devon pour être exacte, où Matilde s’est lancée dans la lourde mission de redonner foi et confiance à ses compatriotes en devenant l’héroïne de ses propres aventures. Accompagnée de son ami d’enfance Pitt, conteur de son état, elle provoque puis enjolive ses péripéties. Comme cette bataille apocalyptique contre un sanglier géant qui n’était en définitive qu’une course-poursuite un peu ridicule après un brave cochon. Avec un trait toujours très léger, feutré, qui privilégie toujours les personnages et l’émotion, Will Morris croise très élégamment un certain réalisme dans sa reconstitution historique et le style plus imagé et naïfs des artistes de l’époque.
Comme un livre ouvert
C’est que justement Gospel vient discuter cette relation ténue entre la véracité historique et les grandes histoires, entre les faits et les légendes, entre les hommes et les héros. Il y est aussi forcément question de rapports à la religion, à la notion de mission sacrée et la quête de reconnaissance bien plus personnelle. D’apparence plutôt lumineuse, fantasy, Gospel s’avère ainsi une bande dessinée finalement relativement complexe et originale dans son propos et travail jusqu’au bout sa propre logique. Will Morris dit s’être inspiré d’une simple légende découverte au détour d’une visite touristique sur un tableau d’information et d’avoir plus ou moins extrapolé ce qui pouvait se cacher derrière cette énième évocation de l’affrontement en St Michel et le dragon. Il ne faut dès lors pas s’étonner que son héroïne s’inscrive directement dans les pas de la mythique Jean d’Arc, se teinte les cheveux en vert (pour qu’on se souvienne mieux d’elle) et que son affrontement contre le diable et sa quête d’un marteau relique ne lui fasse croiser un géant ou un fantôme cherchant l’anonymat au fond de sa grotte…
Tout cela n’est que fable, allégorie, imaginaire et liberté créatrice. Peut-être celle de ce vieux monsieur un peu farfelu qui semble raconter tout ce qui lui passe par la tête à une travailleuse sociale extrêmement patiente… Le pouvoir de création peut-il sauver le monde ? Il peut au moins sauver les meubles semble nous dire ce comic décidément bien atypique.