GONE
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Gone #1-3 – Etats-Unis – 2023/2024
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Jock
Scénariste : Jock
Nombre de pages : 168 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 22 janvier 2025
LE PITCH
Quand on vit sur une planète lointaine, où des pauvres travailleurs gagnent leur vie en réparant et en réapprovisionnant les vaisseaux spatiaux, le seul endroit où on rêve d’être, c’est… Ailleurs ! C’est exactement là que Abi, 13 ans, veut aller ! Mais la vie dans le cosmos est loin d’être ce dont elle avait rêvé.
Aux confins de l’espace
Second album issu du catalogue indépendant DSTLRY pour Delcourt après Somna, Gone donne une nouvelle occasion à l’illustrateur Jock (Scalped, Loosers…) de s’imposer comme un auteur complet. Un voyage vers un futur plus inégalitaire que jamais et au milieu duquel une brave gamine tente de survivre et, potentiellement, de simplement rentrer chez elle. Prometteur mais un peu brouillon.
Si la vision SF proposée par Jock n’est pas forcément la plus originale qui soit, croisant plus ou moins des bribes de Blade Runner, Alien et de tonnes de propositions lowtech, elle a cependant tout à porté de bras pour proposer une excellente histoire. Elle impose aussi aisément l’attachante Abi, préadolescente particulièrement futée qui réussit par ses maraudes à rapporter de la nourriture à sa mère enceinte jusqu’au cou. On aperçoit ainsi dès les premières pages une véritable réflexion sur une société cruellement scindée en deux classes où l’une exploite durement l’autre, réduite à survivre dans des bidonvilles faits de récup et de débrouille. Et sur cette planète / spatioport se joue aussi l’opposition entre des militaires protégeant coûte que coûte l’ordre établi et un groupuscule terroriste, appelé les saboteurs, cherchant à renverser les rapports de force. Ajoutons à cela une étrange entité rose et flottante transformant ceux qui l’inhale en zombie docile et un voyage à travers le temps et l’espace où là aussi les hommes et les femmes sont inégaux face à la dilation du temps, et on se rend bien compte que Jock ne manque clairement pas d’idées et d’ambitions.
Dans le ventre de la bête
Malheureusement une fois passée le premier chapitre qui embarque malgré elle la pauvre Abi dans un vaisseaux en partance pour l’autre bout de l’espace, traquée comme les autres « saboteurs » et dissimulée dans cette arche gigantesque, Gone ne va jamais savoir vraiment dans quelle direction aller. Les nombreux éléments de cet univers s’imbriquent souvent assez difficilement, les retournements de situations, aussi improbables que faciles (« quoi ? toi ici ? ») manquent de naturel et les facilités scénaristiques s’accumulent autant que les raccourcis (temporels et spatiaux) très maladroits. Forcément au milieu de tout cela les personnages, en dehors d’Abi, en pâtissent cruellement, restant ébauchés à l’état de silhouettes interchangeables ou coincés dans la posture d’un méchant doit comme un piquet. Heureusement le dessinateur est toujours très en forme. Connu pour avoir participer aux designs et à la production de films comme Hancock, Les Fils de l’homme, Dredd ou X-Men : Days of Futur Past, il détoure avec énormément d’efficacité un lointain futur probable, à la fois crasseux et hyper technologique, faisant preuve d’une réelle économie dans ses designs et les concepts « spatiaux », effectivement très convaincants. Son trait un peu épais et particulièrement sombre ici s’accommode naturellement à l’atmosphère relativement désespérée de cette odyssée, et s’accompagne de compositions originales et de quelques planches plus larges et spectaculaires.
Si les fans de l’artiste retrouveront ici son style très particulier, déstructuré, nerveux et oppressant, Gone n’est malheureusement pas le thriller spatial attendu. Trop brouillon dans son écriture, malgré une jolie fin aussi simple que dramatique, l’album ressemble surtout bien souvent à une occasion manquée, prenant la bonne direction mais ne cessant de se perdre dans les petites impasses qu’il croise.