EVOL T.1&2
イーヴォー – Japon – 2020
Genre : Super-héros
Dessinateur : Atsushi Kaneko
Scénariste : Atsushi Kaneko
Nombre de pages : 272 + 304 pages
Éditeur : Delcourt / Tonkam
Date de sortie : 12 avril 2023
LE PITCH
Ce jour-là, la vie de deux jeunes filles et d’un garçon déçu de ce monde aurait dû s’achever, mais par malchance, leur tentative de mettre fin à leur vie a échoué : ils ont survécu. Lorsqu’ils reprennent connaissance à l’hôpital, ils se découvrent dotés d’étranges « pouvoirs » ; des pouvoirs qui, en principe, ne se transmettent que par le sang chez les alliés de la justice que l’on appelle « héros »…
Disposable Teens
Créateur atypique dans le milieu du manga moderne, et du seinen en particulier, Atsushi Kaneko (Bambi, Soil…) continue de brouiller les pistes avec sa toute nouvelle série Evol (5 tomes et toujours en cours au Japon). Une réinterprétation décalée et sombre de la figure du super-héros américain redonnant à ces « nouveaux mutants » la rage désespérée des nouvelles générations.
Trois ados se rencontrent dans un institut psychiatrique à la suite de leurs tentatives de suicide. Des gamins qui ne se connaissaient pas, ou vaguement de vu, mais qui pourtant sont passés à l’acte en même temps. Autre particularité de leur geste, ils sont revenus de leur mort cérébrale avec des pouvoirs. Lui peut faire des trous en faisant jaillir de l’énergie par son index, elles peuvent soit créer une flamme de rien ou flotter légèrement quelques centimètres au-dessus du sol. Des pouvoirs tout pourris comme ils disent, mais cela ne va pas les empêcher de s’imaginer super-héros… Ou plutôt super-vilains, décidant de prendre une revanche sur l’existence et d’exorciser leur colère en rêve de destruction du monde. Evol, pour Evil avec une erreur d’orthographe, récit de trois jeunes gens blessés, marqués par une existence injustice, par le rejet des autres pour leurs origines, leur orientation sexuelle ou subissant de terrible sévices dans la cave du paternel, qui avec des contours plus violent que le modèle, s’approchent tout de même fortement des comics teen des années 80. Les bon vieux Teen Titans de DC et les plus rebelles Nouveaux Mutants de Marvel, ne faisaient finalement rien d’autre que d’exacerber les douleurs et les questionnements de l’adolescence avec des pouvoirs spectaculaires, des costumes parfois étonnants et de grandes sagas leur permettant de grandir peu à peu.
New World DisOrder
Maniant depuis toujours à merveille le métissage culturel, Kaneko s’inscrit dans une certaine tradition du comic, mais la teinte forcément de cette rébellion punk qui a fait sa force, et prête à ses trois anti-héros une colère plus que justifiée, un besoin de redonner un sens à un monde qui en est dépourvu et donc une hargne qui vient très souvent outrepasser le désespoir omniprésent du titre. Si le monde de Evol n’est pas exactement le nôtre, il n’en est jamais bien loin, présentant une planète constamment en guerre (l’ouverture dans un pays du Moyen-Orient est plus que marquante), où les enjeux politiques et économiques ne font qu’accentuer un quotidien déjà peu reluisant. C’est que dans ce monde où les super-héros existent, les deux défenseurs de la ville, Lighting Bolt et sa sœur Thunder Girl, tout de cuir vêtus, sont totalement assujettis aux ordres d’un maire corrompu, leur faisant éliminer rivaux, opposant politiques et divers témoins de ses multiples malversations. Quand les super-héros ne sont plus que des figures fascisantes, voir carrément illuminées ici, la jeune garde n’a plus comme solution que de se tourner vers une posture nihiliste et l’insurrection. Nozomi, Akari et Sakura incarne à la perfection le mal être de l’adolescence, la souffrance de générations sacrifiés, mais le mangaka sait leur offrir aussi, au-delà des flashbacks parfois cauchemardesques, un horizon plus lumineux, qu’ils doivent se forger eux-mêmes, par la force de leur résilience, et en rasant le mal à sa source.
Excellent départ pour cette nouvelle série, qui profite au passage d’un lancement simultané des deux premiers tomes en format large et luxe (avec couverture en dur donc), idéal pour savourer une nouvelle fois la maitrise graphique de l’artiste à la ligne épaisse et claire, au noir et blanc impérial et au découpage plus fluide et cinématographique que jamais.