EVEN
France – 2021
Genre : Science-fiction
Scénariste : Zidrou
Illustrateur : Alexeï Kispredilov
Editeur : Delcourt
Pages : 88 pages
Date de Sortie : 09 juin 2021
LE PITCH
Dans un monde où la ségrégation n’est plus raciale ni religieuse mais esthétique – les beaux d’un côté, les moches de l’autre – l’Erospital du Dr. Sidibe devient le théâtre d’une enquête menée par la journaliste Seymour. EvEN traite de thérapie sexuelle, du contrôle de l’intime par l’autorité. Mais il constitue avant tout une histoire d’amour, amours brisés ou impossibles… mais amour toujours.
Coitus Interruptus
A force de vouloir tout contrôler, de prôner la quête du bonheur éternel et la performance comme valeur ultime, l’état va-t-il finir par mettre son nez dans nos fantasmes et pratiques sexuelles. C’est déjà le cas dans Even, dystopie érotique, où l’orgasme puissant fait de toi un bon européen.
Même s’il a coutume de varier les genres et les plaisirs, alternant BD comiques classiques (il a repris les péripéties de Léonard), les drames intimistes (Lydie, Le Beau voyage) ou les relecture percutantes (La Bête d’après Le Marsupilami de Franquin), on n’attendait pas forcément le productif Zidrou dans un album comme celui-là. Un récit complet pour adultes qui imagine comment dans un futur pas si lointain la sexualité deviendrait une simple valeur ajoutée dans l’équilibre souhaité de chaque citoyen. Ceux qui auraient montré un désintérêt pour le corps à corps, fauté en commettant des crimes liés ou révérait de se perdre dans des fantasmes inassouvis, se rendrait alors (pas toujours volontairement) dans l’Erospital où grâce à une nouvelle technologie de réalité virtuelle des plus convaincantes, chacun des désirs les plus secrets du patient prendraient corps devant lui jusqu’à l’ultime crispation… Quantifiés et analysés ensuite par un spécialiste. Cela pourrait être le cadre d’une comédie de mœurs amusante, mais le scénariste préfère appuyer sur les aspects inquiétants de ce dérive, une forme de totalitarisme de l’intime ou l’un des plus grands plaisir de l’existence devient chiffrable, faussé, désincarné.
Trop belle pour toi
Une approche assez intéressante qui se double ici de la description d’une civilisation désormais scindée en deux castes, dont la répartition est uniquement basée sur l’apparence physique. D’un côté les swiits aussi harmonieux et sain que des influenceurs sur Tiktok, et de l’autre les Ug (pour Ugly) marquée par une laideur toute subjective. Bref un avenir radieux et égalitaire à souhait qui montre forcément ses failles lorsque l’une des fondatrices de cette technologie s’écrase après une chute du toit de la clinique. Suicide ou meurtre ? Son époux, devenu impuissant, une journaliste et une simple femme de ménage Ug s’allient pour fouiller dans les dossiers du docteur Sidibe, praticien qui collectionne les enregistrements sonores d’orgasmes féminins. Des notes de thrillers et d’érotisme qui semblent inspirer l’illustrateur Alexeï (Rosko), jouant des formes et des corps avec un mélange réussi de suavité et de crudité, imprégnant les pages d’une colorisation chaude et tranchée qui pourrait rappeler parfois les élans excessifs des giallos. Mais cet angle policier, jamais vraiment palpitant, sert finalement surtout à explorer plus avant cet univers particulier et à célébrer une sexualité plus naturelle, plus franche, plus charnelle.
Finalement dans Even tout est histoires d’amours, passionnelles, impossibles ou tristes à pleurer, mais finalement qu’importe, ça prouve qu’on est en vie non ?