Et bien entendu on retrouve encore et toujours en grand organisateur Jean-Luc Istin et en scénariste concepteur Nicolas Jarry, deux signatures incontournables de la très vaste saga de La Terre d’Arran (Elfs, Nains, Orcs et Gobelins…) toujours en cours chez Soleil Édition. La méthode de construction est donc encore plus ou moins la même avec cinq one-shots annoncés, chacun venant mettre en avant ses propres personnages dans des aventures à priori biens séparées, permettant d’explorer l’une des nations de ce nouveau Monde de Draal, mais avec en arrière-plan la volonté de consolider la version d’un grand tableau plus global avec potentiellement de relier tout ce beau monde plus tard. On connait la chanson, mais il faut reconnaitre que malgré cet éternel recommencement narratif, l’équipe aux commandes s’en sort toujours très bien et réussit à accoucher d’albums efficaces et portés par des personnages, pas toujours tendres, mais évidemment charismatiques.

Le mercenaire et les enfants

C’est encore une fois le cas avec La Compagnie des ombres qui suit la rencontre entre une troupe de féroces mercenaires de la mer, avec une pauvre gamine et son frère qui vient de naitre. Des réfugiés encombrants, surtout que le petit dernier est censé être la réincarnation de Keffe, l’un des trois empereurs de Kana-Nuiba, empire florissant du sud, dont le triumvirat assure depuis de nombreuses générations un équilibre de paix. Alors que les voisins belliqueux de la Volorée font tout pour pousser ce royaume à la guerre, Tulas et ses hommes, se retrouvent au centre de tous les enjeux politiques, et l’objet d’une traque jusqu’au tréfonds d’un puits des abimes. Mise en place de tout un univers, descriptions de leurs organisations politiques et des tentions entre nations, évocations de mythes et religions, apparitions de créatures fantastiques massives et de sorcières, ce premier tome d’Empires affirme une écriture chargée, mais qui heureusement ne ploie jamais sous son propre poids. Le talent de Jarry étant surtout de s’en nourrir pour donner toujours une belle aisance à ses protagonistes, affirmer leur caractère, leur humanité dans une grande aventure épique maritime faites de batailles sanglantes, d’abordages, de trahisons filiales et d’un affrontement contre un dragon géant. Généreux et bien rodé La Compagnie des ombres accroche aisément le lecteur, de toute façon en très bonne compagnie avec les planches généreuses, sombres et fouillées de Miguel Angel Ruiz, artiste espagnol déjà croisé il n’y a pas si longtemps dans le troisième tome d’Avatar chez Delcourt. Là aussi, même si l’originalité n’est pas l’ingrédient le plus recherché, la performance reste solide.

Un bon album de Dark Fantasy qui ouvre la voix à quatre récits à venir qui chacun à leur façon permettront de parcourir les terres de Draal à la rencontre de ses autres empires.