DUCK AND COVER

Duck and Cover #1-4 – Etats-Unis – 2024
Genre : Survival, Horreur
Dessinateur : Rafael Albuquerque
Scénariste : Scott Snyder
Nombre de pages : 128 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 14 mai 2025
LE PITCH
Dans les années 1950, la menace nucléaire nourrit les peurs issues de la guerre froide. On enseigne aux élèves de se cacher sous leur bureau en cas d’attaque (« duck and cover » en anglais). Mais quand une bombe atomique détruit bel et bien les États-Unis en 1955, seuls ceux qui ont suivi ces consignes sont épargnés. Ces adolescents doivent désormais tenter de survivre dans une Amérique post-apocalyptique, étrange et sauvage…
Comme une bombe
Entre deux épisodes d’Absolute Batman, Scott Snyder continue de s’amuser en toute liberté grâce à son label Best Jackett Press, et invite ses meilleurs potes dessinateurs à la fête. Après Franscesco Francavilla (La Nuit de la goule), Dan Panosian (Canary) ou Francis Manapul (Clear), il était effectivement temps de marquer les retrouvailles avec Rafael Albuquerque, collaborateur indispensable d’American Vampire.
Le terme Duck and Cover provient des anciens films institutionnels diffusés dans les écoles américaines durant la Guerre Froide. Des films dans lesquels une mascotte tortue expliquait comment il fallait plonger (duck) et se protéger (cover) sous le bureau de la classe. Ridicule mais censé être rassurant, cet élément de propagande est le point de départ de cette nouvelle série signée Scott Snyder qui, a la manière de L’Aube Rouge, pousse le levier du récit paranoïaque et en fait sa réalité. Cependant pas de collusion rouge ici mais un mélange abusé de toutes les menaces qui habitaient les récits et les films de science-fiction de l’époque : quelques tripodes échappés de La Guerre des mondes, des insectes géants entre Them ! et les kaiju japonais, une machine à tête humaine comme dans Mars Attacks, des références à Roswell et quelques effluves lovecraftiennes… Sacré melting pot qui vise nettement la ligne de la série B, avec quelques touches de la Z. Ridicule ou effrayante, cette invasion n’a cependant laissé en vie et en liberté (ils étaient cachés sous leur bureau justement) qu’un groupe d’ado qui, comme dans The Breakfast Club, étaient collé pour la journée dans une annexe du lycée. Il ne faut donc certainement pas prendre Duck and Cover totalement au sérieux et cette petite histoire de survival et de résistance affirme sans problème son statut de gros délire nostalgique, d’hommage SF à tous les étages.
Le monde d’après
Artiste des plus doués, précis et élégants, Rafael Albuquerque accompagne le tout à la perfection, modernisant quelque peu les designs kitchs, renforçant les sensations de danger et le dynamisme des scènes d’action ou les visions apocalyptique. Il sait aussi parfaitement caractériser la petite troupe de personnages, adolescents en marge dans cette Amérique des 50’s avec le jeune black qui rêve de devenir réalisateur façon Spielberg, le pote asiatique, le quarterback qui fait son coming-out, la jolie blonde qui s’avère fille d’espion russe et la rebelle, membre d’un gang de casse-couilles locaux, ostracisée pour avoir été obligée d’avorter. Des personnages certes un peu trop schématiques, mais bien sympathiques, et forcément un peu torturés, qui donnent une saveur supplémentaire à ce blockbuster fun, dont l’aspect fantasmatique, la structure presque de fable métaphorique, aboutit à une allégorie régulièrement assez juste sur l’adolescence et l’affirmation de soi… d’autant plus pertinente dans le carcant idéologique de l’époque. Snyder vise souvent juste mais, on le sait, peut se montrer aussi un peu lourd. Comme souvent l’écriture manque d’un peu de légèreté à force de tout vouloir clarifier et expliciter et la structure même en quatre chapitres seulement semble un peu contrainte. Le premier fascicule prend ainsi largement son temps pour entrer dans le vif du sujet et développer des éléments qui ne seront finalement pas toujours mener à leur terme, ou de manière un peu hâtive.
Une nouvelle proposition plutôt originale de la part de Scott Snyder et Rafael Albuquerque, fourmillant de bonnes idées et de concepts aussi délirants que cool. Duck and Cover capture très efficacement tout l’imaginaire parano de la Guerre Froide pour en explorer l’impact direct sur les gosses de l’époque. Ce n’est pas toujours des plus subtiles et la voix of ne sert pas à grand-chose (une constante chez Snyder), mais on n’a clairement pas le temps de s’ennuyer.