DRACULA : L’ORDRE DU DRAGON
Dracula : L’ordine del Drago – Italie – 2023
Genre : Horreur
Dessinateur : Corrado Roi
Scénariste : Marco Cannavo
Nombre de pages : 112 pages
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 24 avril 2024
LE PITCH
Hongrie, 1890. Piégé par le prince Vlad Dracula, Jonathan Harker se retrouve emprisonné entre les murs lugubres de son cachot. Mais Greta, l’épouse répudiée de ce prince sanguinaire, décide de lui venir en aide. Elle lui apprend qu’au même moment, Dracula navigue vers l’Angleterre afin d’épouser sa fiancée, Lucy, et d’assouvir dans la capitale britannique sa soif de sang neuf. Lorsque le bateau accoste au port de Whitby, Dracula a déjà pris plaisir à décimer tout l’équipage, regagnant ainsi une bonne partie de ses pouvoirs. Quand Jonathan parvient à son tour enfin à rejoindre Londres, une impitoyable traque commence. Mais bien qu’affaibli, Dracula n’a pas encore révélé toute la puissance de ses pouvoirs…
Mauvais sang
Le roi des vampires emprisonne le pauvre Jonathan Harker et s’embarque à bord du Demeter pour l’Abbaye de Carfax dans le but de s’emparer de sa gentille fiancée Lucy. L’histoire est connue, mais dans L’Ordre du dragon hommages et trahisons s’entremêlent furieusement.
On ne présente plus le roman de Bram Stoker et on ne compte les milliers d’adaptations plus ou moins fidèles qui existent en bandes dessinées avec quelques authentiques réussites comme les prestations de Georges Bess ou de Mignola. Les deux auteurs italiens Marco Cannavo et Corrado Roi, que l’on avait déjà vu collaborer sur la reprise de Druuna les origines, s’attaquent à un gros morceau, non pas intouchable (depuis le temps), mais tellement réinterprété qu’il est effectivement difficile d’y apporter sa marque. Cela dit, il aurait clairement pu se satisfaire de la prestation seule du talentueux illustrateur. Corrado Roi donc devenu une signature incontournable de la BD italienne depuis sa reprise remarquable de la saga Dylan Dog, déjà un sacré terrain pour explorer les atmosphères inquiétantes et les décors délicieusement gothiques. Poussant son approche noir et blanc plus loin encore, l’artiste le compose ici d’un époustouflant travail tout en lavis, entre fusains et encres diluées, qui accentue plus que jamais le décorum lugubre, le climat oppressant, composant des tableaux aussi nobles et délicats, que ténébreux et sauvages. Son Dracula retrouve effectivement les accents les plus inquiétants de la créature, figure massive pouvant se révéler aussi séductrice que bestiale, dévorant ses victimes ou les transformant en jouets sexuels. Par son découpage pointu hérité des nombreuses publications petits formats auxquels il a participé, de Tex à Martin Mystère, Corrado Roi teinte cette sensation de masses noires creusées par la lumière, d’une efficacité plus démonstrative, presque pulp.
Perfusions
Un superbe album qui déjoue le piège du classicisme sans jamais renier son héritage (du film de Todd Browning aux fumeti) par lequel on aurait adoré se laisser emporter. Malheureusement les qualités visuelles indéniables de l’album ne trouvent pas totalement échos dans une trame pas des plus convaincantes. La première partie reprenant presque image par images les passages obligés du texte de Bram Stoker s’emballent beaucoup trop rapidement jusqu’à aboutir à une révélation qui dès lors tranche radicalement avec l’histoire telle qu’on la connait. L’affrontement du bien contre le mal prend du plomb dans l’aile, des figures autrefois positives comme Van Helsing ou Lucy Harker deviennent beaucoup plus troubles et le récit s’embarque dans un affrontement au-delà des siècles où se mêlent scientifiques déglingués, échos de Jack L’éventreur, faux-vampires et un ordre secrets voué à détruire Dracula et son engeance sur ordre, présumé, de la sainte église. Marco Cannavo opte là pour le coup pour le bis total, sorte de capharnaüm un peu fourre-tout où malgré les affrontements sanglants et les révélations en pagailles, il ne réussit jamais à recréer un univers véritablement cohérent et une ligne narratrice à la finalité claire. D’ailleurs l’album s’achève sur une fin grande ouverte assez facile, comme un aveu.
Dommage car vraiment la prestation éclatante de Corrado Roi méritait mieux et on se demande même si une adaptation plus scolaire du roman n’aurait pas tout simplement suffi. Parfois le trop est l’ennemi du bien.