DOROHEDORO T.1
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ドロヘドロ – Japon – 2002
Genre : Horreur, Comédie
Dessinateur : Q Hayashida
Scénariste : Q Hayashida
Nombre de pages : pages
Éditeur : Soleil
Date de sortie : 22 janvier 2025
LE PITCH
Caiman, humain amnésique à tête de reptile, part à la traque des mages en compagnie d’une jeune femme, Nikaido, afin de retrouver son identité perdue. En, le chef des mages, est quant à lui bien décidé à en finir avec ce reptile qui massacre un à un tous ses sbires. Aussi lance-t-il des tueurs à ses trousses.
Caïman la même chose
Avant le carton Dai Dark, la mangaka Q Hayashida avait déjà largement marqué le lectorat japonais avec la longue saga Dorohedoro. Un récit totalement barré et baroque entre magie et serial killer, comédie culinaire et bastons gores dont le héros n’est nul autre qu’un homme à tête de Caïman (c’est d’ailleurs son nom). Retour aux sources et au trip donc avec une réédition qui était très attendue.
Edité une première fois par Vegetal Manga puis repris par Soleil mais avec un rythme de publication difficile, marqué par des ventes trop timides et des tirages réduits (d’où certains tomes épuisés), Dorohedoro revient pourtant pour une Chaos Edition grand luxe. Que s’est-il passé pour que l’éditeur puisse se permettre une telle opération ? Deux choses : une série animée sur Netflix qui a fait son petit effet et surtout la reconnaissance, enfin, des talents de l’artiste avec sa nouvelle série en cours Dai Dark. Album grand format, pagination multipliée par deux, planches couleurs, petits bonus bien délirants, le volume permet véritablement de profiter comme jamais du trait chargé, sombre mais fascinant de la dessinatrice, recouvrant ses pages de stries, hachurages, encrages épais et détails à foison. Sa rudesse graphique est au service d’un univers foisonnant, d’un décor post-apocalyptique sans limites vraiment définies, mêlant urbanisme déliquescent et vieux restes d’une fantasy plus classique mais dévoyé. C’est que la ville de Hole, centrale, cohabite avec un Monde des mages (arborant tous un masque très S&M) par une frontière bien visible, tout autant que par des portes magiques permettant aux sorciers de venir faire leurs expériences sordides chez les humaines « normaux ».
A sang froid
De quoi peupler les rues de créatures mutantes comme Caïman, chasseur de mages qui cache dans sa gueule une tête humaine en quête de son bourreau. Associée avec Nikaido, spécialiste des gyozas et du combat au corps à corps, il s’efforce donc de limiter les incursions des mages tout en enquêtant sur la véritable identité de Caïman. Mais si tous deux sont les héros de la série, ils n’en sont pas les seuls protagonistes et refusant un manichéisme trop shonen, Q Hayashide passe presse autant de temps avec « leurs ennemis » Fujita (un mage un peu raté), Ebisu (pauvre demoiselle qui passe son temps à subir les pires défigurations et mutations), Shin (une colosse au masque en forme de cœur humain) ou En, grand leader qui a la fâcheuse tendance à transformer tout le monde en champignon. Si la violence et la mort son omniprésentes, si l’arrière-plan est loin d’être joyeux, Dorohedoro reste pourtant un manga profondément drôle, maniant l’ironie noir et le burlesque dérangé avec talent, faisant de la lecture une sorte de délire constant, toujours surprenant, méchamment grotesque comme lors de cette invasion annuelle de zombies dont le but est de récolter des lots de haute valeur… soit pour Caiman et Nikaido un hachoir à viande pour faire de meilleurs raviolis japonais. Il est aussi question de matchs de boxe truqués par la magie, de couloirs hantés, de doubles parfaits rôtis au four et d’autopsies barbares où Q Hayashida croise allègrement sa fascination pour l’esthétique à la Giger (c’est une grande fan d’alien), les dérives perverses à la Clive Barker (les Cénobites ne sont jamais loin) et les atmosphères angoissantes et cauchemardesques à la Silent Hill.
Un bordel bien libre, inventif et toujours surprenant qui assume aussi pleinement son déroutant et constant second degré que ses contours définitivement punks et undergrounds. Si vous n’y avez pas encore jeté un œil, il serait peut-être temps de s’y mettre.