DOMMAGE CÉRÉBRAL
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ブレインダメージ- Japon – 2016
Genre : Horreur
Dessinateur : Shintarô Kago
Scénariste : Shintarô Kago
Nombre de pages : 184
Éditeur : Huber Editions
Date de sortie : 7 février 2025
LE PITCH
L’histoire présente quatre jeunes filles au visage identique, piégées dans une pièce close, qui tentent de résoudre des mystères tout en échappant à un meurtrier dans « Le Labyrinthe des Quatre ». Le recueil inclut également « La Chambre Maudite », qui décrit les tourments d’une jeune fille confrontée à des phénomènes paranormaux mystérieux dans une pièce, « Le Portrait Familial », où les habitants du voisinage disparaissent inexplicablement à partir d’un certain jour, et « La Récolte de Sang », qui explore une mort étrange survenue à l’intérieur d’une voiture d’occasion.
Le monde fou fou fou de Shintarô Kago
Comme dans toutes les familles, il y a toujours un de ses membres qui est en décalage, farfelu, jouant les comiques le dimanche midi, pour illuminer les réunions. Dans la petite famille du manga d’horreur c’est clairement Shintarô Kago qui a pris cette place. Mais attention derrières des planches lumineuses, un humour bien décalé et un sens du ridicule assumé, le cauchemar n’est jamais bien loin.
Si Shintarô Kago reste moins célèbre par chez nous que des auteurs comme Junji Ito, Gou Watanabe ou même Suehiro Maruo, c’est certainement parce qu’il cultive beaucoup moins de lien que ces derniers avec les vieux relents de gothique classique. Son dessin est beaucoup moins sombre, limite clair et épuré, ses personnages ne portent pas les marques d’âmes torturées et son univers n’est pas peuplé de morts-vivants, fantômes ou créatures démoniaques… du moins en apparence. Chez Kago, c’est toujours le détail le plus anodins qui se met à vriller et transforme un point de départ sommes toute relativement classique, voir attendu, en théâtre le plus absurde, où tout semble se dérober sous les pieds des personnages… et des lecteurs. Ceux qui ont déjà plongé leurs yeux dans des titres comme Dementia 21 (lauréat d’un Fauve au dernier festival d’Angoulême) ou le plus sidérant encore La Princesse du château sans fin, savent à quel point les histoires du mangaka peuvent nous entrainer sur des territoires des plus inattendus et dérangeants. La preuve une nouvelle fois avec Dommage Cérébral, nouveau recueil de quatre histoires aussi méchantes que délirantes. Dans « Le Labyrinthe des Quatre » des jeunes femmes se ressemblant comme deux gouttes d’eau se réveillent dans une même pièce entièrement blanche et se rendent compte qu’elles ont été lâchées dans un labyrinthe avec un taré aux trousses bien décidé à les démembrer. Pour qui ? Pour quoi ? La réponse jouant directement avec l’art séquentiel de la BD est aussi méchante que jubilatoire.
Surprise, Surprise !
Imprévisible surtout, comme si un épisode de La Quatrième dimension se débarrassait définitivement de ses twists moraux ou révélateurs, pour s’embarquer directement dans la direction opposée. Bien malin sera celui qui devinera ce qui se cache derrière les fantômes qui hantent cette pauvre demoiselle, nouvelle propriétaire d’un apparemment maudit. Bien malin celui qui fera le lien entre les étranges disparitions qui animent tout un quartier et la sénilité de papy pervers. Enfin comment imaginer que quelques cadavres retrouvés dans des voitures d’occasion dissimulent un vaste complot qui menace l’humanité… et la santé de la pauvre Mademoiselle Kageyama ?
Avec en moyenne une quarantaine de page, Shintarô Kago développe ses idées de départ avec audace et sadisme, ne se refusant jamais à quelques cases particulièrement glauques et gores (contrastant toujours avec le visage délicat de ses héroïnes), s’écartant vers un onirisme abracadabrant, mais surtout démontre constamment une maitrise assez unique du médium. Ici la forme se laisse bien souvent emporter par le cadre déréglé des histoires, triturée par la folie des situations, des personnages et l’inspiration expérimentale de l’artiste.
Sans doute un peu moins psychédélique que d’autre de ses créations, l’anthologie Dommage cérébral porte certes indéniablement la marque de son auteur et tranche avec le paysage classique du manga d’horreur, mais il propose un programme peut-être un poil plus accessible. Une bonne et copieuse mise en bouche, non sans fausses routes, qui devrait, on l’espère, faire de nouveaux émules.