DOGGYBAGS ONE SHOT : TRENCHFOOT

France – 2021
Genre : Horreur
Scénariste : Mud
Illustrateur : Nicolas Ghisalberti
Nombre de pages : 88
Éditeur : Ankama Editions
Date de Sortie : 15 janvier 2021
LE PITCH
« Qu’est-ce qu’on ferait de tout ce fric si, du jour au lendemain, on devenait millionnaire ? »
Tout le monde s’est déjà posé cette question. Se payer une maison ? La caisse de nos rêves ? Un voyage autour du monde… ? « Rien de tout ça », répondrait Sid Widow. Car ce type est un connard, et ça, tout l’or du monde ne pourrait rien y changer.
C’était le suuuuud
Nouveau One Shot dans la petite famille Doggybags avec Trenchfoot qui s’en va poser ses guêtres du côté d’une ville paumée de la Louisiane. Un décor poisseux et dangereux qui permet une nouvelle fois à Doggybags de croquer avec voracité les charmes délicats de la campagne white trash américaine.
On pourrait dire que les ouailles de notre cher Président (sortant) Donald Trump auront donné du grain à moudre à l’équipe de Doggybags, mais la bêtise crasse de la culture américaine n’a rien de nouveau et les scénaristes et artistes maisons, cajolés par le patron Run, y plongent régulièrement leurs esprits sadiques depuis un moment déjà. Scénariste désormais habituel de la revue anthologique, ayant justement participé, entre-autres, à l’opus spécial Redneck, Mud (boue en français) connaît manifestement cet environnement par cœur et sait y dégotter des histoires aussi sordides que truculentes. Et Trenchfoot, avec sa succession de retournements de situations, la constante faculté de son « héros » Sid Widow de rebondir après chaque échec sur une idée plus pourrie et amorale que la précédente, méritait effectivement un album entièrement dédié à sa gloire. Car au-delà de la manière réjouissante qu’a Mud de dépeindre le trou du cul de l’Amérique, ses gros bras violents, ses toxicos sur la tangente, ses criminels sans pitié et ses pauvres prostituées camées jusqu’à l’os, c’est sa faculté à leur offrir une âme qui étonne le plus.
La condition humaine
Une âme souillée, pourrie par une accumulation d’abrutissements et de méchancetés transmises de génération en génération, mais où perce cet espoir humain de réussir à s’extraire de sa condition triste condition, de sa propre malédiction. Et Sid y croit dur comme fer, lui qui fait sniffer de la coke à son chien pour en faire une machine de guerre dans les combats clandestin, qui récupère un ticket de loterie gagnant (un magot dont il ne sait en définitive que faire), et qui ne cesse d’échapper à une mort certaine et aux vendettas de ses ennemis. Mais Trenchfoot c’est pas du Capra, et la rédemption ou l’élévation n’existent pas, Mud maniant volontiers l’humour noir et transformant sa fable moderne en essai fataliste et terriblement cruel. Une lecture jamais bête mais foncièrement méchante que Nicolas Ghisalberti écrase plus encore par son trait lourd et graisseux, où rien n’est beau, plaisant et sain. Les planches puent la crasse, la transpiration, la viande et la mort et les auteurs ne s’interdisent sûrement pas d’enfoncer le clou en ouvrant l’album sur une description fleuries des amputations barbares dans les tranchées de la premières guerres mondiale (un hommage à Re-Animator 2 ?) ou en s’échappant vers le slasher gore dans les couloirs d’un hôpital traversé par un grand brûlé suintant le pue et enfonçant sa hache en plein crane.
Du Doggybags pur jus et en version longue.