Depuis quelques années la BD dossier est devenue à la mode, mêlant la narration découpée de la bande dessinée et une approche plus journalistique, voir documentaire, qui s’efforce de s’approcher au plus près des faits. Un travail de reconstitution particulièrement impressionnant dans Disparus qui remonte jours après jours le fil des faits de ce drame criminel, révélations après révélations, suivant pas à pas les hésitations des gendarmes et enquêteurs liés à l’affaire, rebondissant sur des témoignages pas toujours exploitables, revenant en arrière pour une seconde visite de la maison familiale bâclée la 1ere fois et laissant surtout le lecteur tisser lui-même les liens entre tous les éléments et faire ses propres conclusions. Si Disparus débute par la découverte en juin 2000, soit presque un an après la disparition, par la découverte du crane de la petite Camille dans les filets d’un bateau de pêche, c’est que finalement la mort du père et de ses deux enfants est la seule et unique chose dont on soit sûr aujourd’hui. Leurs ossements ont été trouvés par hasard au fond de la baie de Saint Brieux… et pour le reste ce n’est finalement que conjecture et supposition. Ce qui rend la lecture du présent album d’autant plus passionnante puisque Pascal Bresson (spécialiste des biopics et des reconstitutions historiques) reste constamment à bonne distance des personnages. Il s’efforce de donner corps à une certaine personnalité, à faire vivre le protagoniste principal, mais aussi ceux qui l’on croisé ou enquêté sur lui, mais il ne s’emporte jamais dans une caractérisation trop poussée, une interprétation trop personnelle. Des instants volés dans un destin que l’on sait mortifère, qui restent toujours justes, permettant surtout de révéler de purs faits, aussi nébuleux puisse-t-il être.

Insoluble

De la découverte de l’annexe du voilier sur une plage, aux taches de sangs dans la chambre et la salle de bain, d’étranges dettes et sommes d’argents qui ont disparus des comptes, les lettres d’un corbeaux dont on ne sait que penser, aux apparitions du père et ses enfants sur diverses plages ou lieux touristiques qui vont occupé les policiers pendant quelques années… Intriguant forcément puisqu’encore aujourd’hui personne n’est capable de dire avec assurance ce qu’il est advenu de Marie-France Godard jamais ré-aperçue depuis le 1^er septembre 1999 et les raisons qui ont poussés Yves Godard à s’embarquer avec ses enfants pour une virée en bateau de plusieurs jours et pourquoi et comment ils sont morts. Là aussi Samuel Figuière (Led Zeppelin en bande dessinée, Histoires incroyables de la Coup du Monde de Rugby…) reste extrêmement sobre dans son dessin réaliste, proche de la photo dans ses visages et ses décors, ne se laissant emporter par son imaginaire que pour quelques détails sur une planche (une tache qui dessine un crane…) ou quelques pages reflétant les extrapolations d’un gendarme sur ce qu’aurait pu être la nuit du drame et l’ultime basculement de Godard perdu sur les eaux. Une telle approche ne serait pas complète sans le travail complémentaire de Béatrice Merdrignac (Mémoire du France, L’équipage témoigne) qui entrecoupe ces semi-fictions de pages explicatives sur le passé du couple Godard, sur l’intérêt du docteur envers les médecines alternatives voir les rapprochement avec un mouvements sectaires, listant les nombreuses témoignages d’apparitions relayés jusqu’à Phuket ou un couvent, revenant sur la piste financière et ces étranges apparitions de cartes professionnelles du docteurs sur les plages en 2001.

Opaque, trouble, douteux, définitivement mystérieux, le dossier est solidement illustré et compilé ici.