DEMENTIA 21 T.1
ディメンシャ 21 – Japon – 2019
Genre : Comédie, Fantastique
Dessinateur : Shintaro Kago
Scénariste : Shintaro Kago
Nombre de pages : 288 pages
Éditeur : Huber Editions
Date de sortie : 03 mai 2023
LE PITCH
Yukie Sakai est une jeune aide à domicile pleine d’entrain, désireuse d’aider ses clients âgés. Mais ce qui semble être un travail simple se transforme rapidement en une série d’aventures de plus en plus surréalistes et bizarres qui la mettront à rude épreuve. Super héros en fin de carrière, vieilles femmes tyranniques, dentiers dotés d’une I.A prodigieuse. Suivez les aventures dérangeantes et effrayantes de notre héroine !
Tragicomédie de la senescence
Artiste insaisissable et pratiquant d’un Ero-guro moins sulfureux que totalement délirant, Shintaro Kago (Fraction, Anamorphosis) a trouvé depuis quelques temps une nouvelle terre d’accueil chez Hubert Edition, spécialiste des expériences graphiques curieuses. Avec Dementia 21 c’est sur la lourde question de la sénilité que l’auteur nous invite à réfléchir mais en prenant constamment le problème par le bout le plus incongru.
Ici Shintaro Kago s’écarte en effet des contours profondément dérangeants de l’ero-guro, cette école nippone qui cultive avec poésie et excès les tableaux mêlant eros et thanatos. Ici le ton est sans doute légèrement plus quotidien, plus parlant pour un lecteur adulte lambda, embrassant à bras le corps la lourde question du vieillissement de la population, présent dans toutes les sociétés occidentales mais, on le sait, particulièrement prégnante au Japon. Katsuhiro Otomo en avait déjà tiré le fameux anime Roujin Z, Shintaro Kago pousse la logique encore plus loin en s’attardant sur le lourd quotidien de Yukie, aide à domicile courageuse et pénétrée par sa mission. Bien entendu, le manga en question n’est pas qu’une succession de scénettes anodines illustrant l’état précaire d’un troisième âge en fin de vie ou une réflexion sociale sur les conditions professionnelles d’un métier mal considéré, même si forcément ces points surnagent de chacun des épisodes proposés ici. Le réalisme de ses illustrations, la précision des détails visant autant un certain misérabilisme et tout l’attirail médical visent juste et sans détour, mais l’auteur n’opte jamais pour le mélodrame mais constamment pour la comédie et le traitement par l’absurde… et le plus improbable tant qu’à faire.
Diner à 17h30
En une petite dizaine de pages à chaque fois, les situations presque anodines qu’il présente dans la première page tourne forcément aux développements les plus extravagant avec un talent incommensurable pour s’enfoncer toujours plus loin dans une logique qui lui est propre. Dentiers qui se multiplient et passent de bouches en bouches, veilles dames qui se transforment en mutant vengeurs, concours d’aide-soignantes digne d’un entrainement militaire, invasion de rides sur le japon, maison de retraite mécanisée et en tour interminables qui rejouent le High Rise de J.G Ballard, Battle Royale pour entrer dans une maison de retraite huppée et manga-piège tournant à l’infini… Kago démarre presque systématiquement d’un problème réel et profond pour le tourner en ridicule, pour en tirant les extensions les plus grotesques, le plus drôles quitte à faire intervenir quelques sentais grabataires (en couches) ou à détourner joyeusement les codes du manga d’horreur, mais avec plus d’humour noir que de tension obsessionnelle. Un univers absolument renversant d’imagination et d’irrévérence, souvent hilarant et particulièrement bien vu dans ces thèmes où bien entendu on retrouve ses fameuses constructions graphiques et dramatiques en forme de poupées gigognes dont les mutations et situations ne cessent de s’imbriquer les unes dans les autres. Ici la profusion de corps, de patients, de tâches à effectuer (nourrir, nettoyer, changer…), de câbles vitaux ou de marques de vieillesses, ne fait que révéler dans un déchainements surréaliste digne des Monty Python l’irrationalité de cette invasion galopante de la sénilité.
Un album à l’humour corrosif et psychédélique proposé en grand format à la fois en édition standard (dos souple) et collector avec un tirage limité à 399 exemplaires signés par l’artiste. Au programme une couverture solide, un dos toilé, un marquage à chaud et douze pages d’illustrations en couleurs et inédites.