DANGER STREET
Danger Street #1-12 – Etats-Unis – 2023 / 2024
Genre : Super-héros
Dessinateur : Jorge Fornés
Scénariste : Tom King
Nombre de pages : 376 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 30 août 2024
LE PITCH
Starman, Metamorpho et Warlord souhaitent intégrer la Justice League à tout prix. Pour prouver qu’ils en sont dignes, ils ont la brillante idée d’invoquer et d’affronter l’un de ses plus redoutables ennemis : Darkseid. Sans grande surprise, les conséquences sont terribles pour le monde, qui se dirige bien vite vers une crise sans précédent. Le voyage pour tenter de rattraper leur bévue sera périlleux, et l’aide de Manhunter, Lady Cop, Creeper ou encore la Green Team ne sera pas de trop !
Une rue très habitée
Vous vous souvenez de la Green Team, des premiers Outsiders, de Ladycop ou d’un Starman bleu ? Non ? Pas d’inquiétude, c’est le cas pour presque tout le monde. Avec Danger Street, Tom King et Jorge Fornés s’efforcent de leur offrir une seconde vie en les réunissant dans une seule et même grande histoire. Un récit façon puzzle où il ne faut surtout pas perdre de pièces en cours de route.
Ces personnages parmi une douzaine d’autres étaient les héros d’une curieuse revue lancée dans les années 70, First Issue Special dont l’intention était d’expérimenter à chaque publication avec un nouveau numéro 1, un nouveau personnage inédit ou revisité, un nouvel univers. L’occasion a l’époque de redonner une chance à Metamorpho, d’accompagner le lancement de Warlord ou de conclure la saga des New Gods (Jack Kirby fut une signature récurrente), mais aussi de se livrer à quelques tentatives très improbables en imaginant une bande d’ado façon les Goonies en moins polis, de répondre aux X-Men avec des gamins mutants ou de tenter la carte du polar vérité avec Lady Cop… 12 numéros qui ne sont pas vraiment entrez dans les annales, mais qui lors de leur récente réédition en omnibus aux USA ont données quelques idées au scénariste Tom King. Un incontournable ces derniers temps chez DC, toujours prompte à revisiter les personnages un peu oubliés (Miracleman, Supergirl, The Omega Men…), qui s’étonnait alors devant cette curieuse cohabitation et cette vision cosmopolite du petite monde DC. Comment ces dieux ancestraux, ce guerrier en pagne, ces mini milliardaires têtes à claque, ce bouffon ricanant ou cet assassin sans pitié pouvait tous vivre dans le même univers ? C’est le point de départ de Danger Street véritablet expérimentation narrative où l’auteur s’amuse à mélanger tout ce beau monde, leurs tonalités, leur personnalité, leur visions parfois très différentes du comics, à revisiter leurs contours, les moderniser et les lier dans une seule et même aventure.
Du plus petit au plus grand
Un pitch plutôt couillu qui démarre comme il se doit par un triste accident, alors que Starman, Metamorpho et Warlord pensait mettre à mal Darkseid (rien que ça) pour se faire remarquer par la Justice League. Deux victimes plus tard, un pauvre gosse et Atlas qui retenait à lui seul l’univers de s’effondrer sur lui-même, et c’est le début d’une fuite, de traques multiples et d’affrontements entre le bien et le chaos sur fond d’apocalypse. Les épisodes jouent constamment avec le concept des lignes parallèles, des destins éclatés et des motivations antinomiques, qui vont in fine se rejoindre pour le grand final. Bien entendu, Tom King oblige, on ne s’embarque pas là pour de la grande aventure super-héroïque pleine d’action et de bastons spectaculaires, mais bien dans un drame cosmique traitant toujours les personnages avec une certaines volonté de réalisme (les planches de Jorge Fornés en appuie la logique avec élégance), les ramenant toujours à une humanité très terre-à-terre, voir pathétique. De la même façon, les personnages existent moins par l’action que par le verbe, avec une forte présence des narrations intérieurs, et de longs dialogues n’hésitant jamais à glisser vers l’échange philosophique. Le summum étant atteint avec le 9eme chapitre, concentré uniquement sur la confrontation meurtrière très attendue entre deux assassins professionnels, qui vont se lancer dans un vaste débat sur la futilité de leur vie et la dominance stratégique de l’un ou l’autre. Une constante du désamorçage, de l’anti-climax, et des explications fumeuses qui ont vite tendance à prendre le pas sur la force des personnages proprement dite et à les réduire le plus souvent à des outils collés les uns aux autres sans jamais que Danger Street justement ne réussisse à en faire une proposition cohérente et donc passionnante.
Un exercice de style un peu vain, alourdi qui plus est par cette volonté totalement inutile de conter l’ensemble par la voix du Casque du Docteur Fate sous la forme d’une fable pleine de princes, d’ogres, de monstres et de princesses. A trop vouloir en faire, Tom King nous perd en cours de route. Dommage.