DAMN THEM ALL T.2
Damn Them All #7-12 – Etats-Unis – 2023 / 2024
Genre : Fantastique
Dessinateur : Charlie Adlard
Scénariste : Simon Spurrier
Nombre de pages : 176 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 10 juillet 2024
LE PITCH
Ellie « La Furie » doit réparer les dégâts causés par son oncle Alfie dans l’au-delà à l’issue de sa mort, et ce n’est pas une mince affaire. Le cadavre d’Alfie pourrait être la clé de sa mission, mais ce dernier a disparu et Ellie n’est pas la seule à sa recherche…
Le dernier sortilège
Sorti en France en début d’année, le premier tome de Damn Them All signait le grand retour à l’horreur fantastique de l’illustrateur Charlie Adlard (The Walking Dead). Il marquait aussi pour Simon Spurrier (Sandman The Dreaming, Fall of X) l’occasion de prolonger un run bien trop court sur la série Hellblazer, Suite et fin ici avec un second volume qui prend de sacrés risques.
Dans un premier temps en effet Simon Spurrier n’avait pas hésité à multiplier les petits coups de coudes complices aux fans de la légende Vertigo et aux traits bien marqués de cette fripouille de John Constantine. Pourtant, tout en reprenant un environnement typique et un univers mystique et religieux d’autant plus reconnaissable qu’il prend comme théâtre les mêmes ruelles londoniennes, il mettait aussi en place progressivement un arrière-plan sans doute plus complexe encore, tissant des liens entre les panthéons démoniaques et des réflexions purement politiques, sociales ou psychanalytiques. Entre deux règlements de comptes à coups de marteaux, un massacre particulièrement graphique par une créatures infernale et une apocalypse évitée, que temporairement de justesse, Damn Them All déviait ses premiers élans bourrins vers un récit excessivement dense et ambitieux. Chose confirmée dans cette seconde et dernière partie de la maxi-série où les aspects les plus ouvertement spectaculaires, les affrontements contre les forces démoniaques et le défilé de démons sont presque éclipsés par une exploration beaucoup plus en profondeur du sens véritable de cet énième affrontement entre « le bien et le mal » (spoiler : rien n’est moins simple que cela) ou de la nature bien plus symbolique de la magie, noir ou blanche, et de ses prolongements monstrueux.
Magie intérieure
On y découvre bien une nouvelle loge noire qui tente de prendre le pouvoir dans une capitale britannique envahie par ces bestioles aux pouvoirs sidérants sur le réel, mais l’auteur ne cache même plus vraiment ses parallèles évidents avec l’état du système politique actuel, voir un fonctionnement systémique et historique du contrôle des populations moyenne pour maintenir le pouvoir. Les côtés les plus séduisants du surnaturel laisse la place à des analyses passionnantes sur les différentes idéologies qui façonnent le monde, les interactions qui régissent le vivants, les pouvoirs de l’imagination et surtout d’un esprit qui ne demande qu’à retrouver son indépendance et affirmer son individualisme. Étonnant, admirablement transposé visuellement par un Charlie Adlard aussi à l’aise dans le réalisme que dans les visions spirituelles où l’alchimie se mêle aux références technologiques (les réseaux de l’au-delà comme écho des réseaux électrique ou radio…), Damn Them All en oublierait peut-être alors parfois un peu trop ses personnages et les débordements les plus fun de la première partie.
Des choix qui ne plairont pas forcément à tout le monde, mais qui ont pourtant le mérite de mener la trajectoire jusqu’au-bout, refusant toute forme de manichéisme, de simplification psychologique, de rédemption prévisible, pour laisser Ellie, chasseuse de démons qui en a plein les bottes, simplement se réconcilier avec qui elle est et d’où elle vient. Tonton John… euh Alfie, serait fier.