CRYING FREEMAN – PERFECT EDITION T.1
Cryingフリーマン – Japon – 1986
Genre : Action, Thriller
Dessinateur : Ryoichi Ikegami
Scénariste : Kazuo Koike
Nombre de pages : 418 pages
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 4 octobre 2023
LE PITCH
Tueur japonais au service de la mafia chinoise des 108 dragons, il a pour nom de code “Freeman”. Après chaque meurtre commis, il laisse couler des larmes. Quel secret dissimulent-elles ? C’est au travers de sa rencontre avec une jeune femme en quête d’amour que Freeman découvrira qui il est vraiment…
Les larmes au corps
Grand classique du manga seinen, signé qui plus est par deux grand maitres du genre, Crying Freeman revient en Perfect Edition chez Glénat avec ses pages couleurs et bichromies. Une version « définitive » dans la lignée de l’intégrale de Sancturary achevée il y a quelques mois à peine.
Même si la première édition française de Crying Freeman resta très partielle (une prépublication et deux volumes inachevés), notre pays a forcément un lien très fort avec cette œuvre toute particulière. L’adaptation animée (très moyenne) fut distribuée en DVD par HK Vidéo avec un certain succès, mais surtout son adaptation en film live fut aussi le premier coup d’éclat de notre Christophe Gans national. Un film célébrant déjà tous les fantasmes cinéphiles du bonhomme, à la réalisation élégante, aux scènes d’actions quêtant l’efficacité spectaculaire du modèle HK et surtout mettant clairement en avant les éléments les plus melvilliens et romantiques du manga. A tel point que le métrage a eu aussi un peu tendance à éclipser l’œuvre originale et à installer une certaine incompréhension de la part des curieux, comme une fausse piste. Car si la série est bel et bien une grande et flamboyante histoire d’amour entre un tueur tragique et une artiste découvrant, enfin, l’amour, c’est aussi un imposant creuset des obsessions barbares et violentes de ses deux auteurs. D’un côté l’immense scénariste Kazuo Koike, créateur de Lone Wolf & Cub et Lady Snowblood, et de l’autre l’illustrateur passionnel Ryoichi Ikegami, alors déjà auréolé d’un premier succès avec Mai The Psychic Girl. Deux adeptes du manga pour adultes, avec tous les excès et la noirceur que cela peut impliquer, qui effectivement mettent en avant les élans sentimentaux mais pour happer l’attention du lecteur, pour le faire s’engouffrer dans les mondes obscurs, relativement fantasmés, du crime international.
Guerre des gangs
Une toile d’organisation mafieuses qui s’affrontent, s’étripent et se concurrencent dans un petit jeu stratégique et mortelle pour la conquête de nouveaux marchés fructueux. Dans Crying Freeman il s’agit ainsi essentiellement des gangs Yakuza, tranquillement alliés avec le monde politiques et quelques représentants de la police, face à la tentative d’invasion du clan des 108 dragons en provenance de Chine. Étrangement les criminels nippons semblent tous échappés d’un système décadent, assez barbare et cruel, là où la mafia chinoise est dépeinte comme une secte mystique doté d’un étrange ordre moral et d’un culte imprégné de souffrances et d’exigences martiales. Au milieu, Yo, alias le Crying Freeman, est utilisé pour faire le ménage, éliminer une à une les menaces japonaises, lui le grand potier transformé contre sa volonté en tueur quasi-surnaturel, traqué à son tour, reconnaissable par les larmes qu’il laisse échapper après chaque exécution. Entre le romantisme exacerbé, les scènes d’action croisant l’efficacité américaine avec la virtuosité hongkongaise et les nombreux débordements de violences graphiques et des scènes de sexe sauvages, Crying Freeman joue les équilibristes baroque.
Une vaste saga imaginée par Kazuo Koike qui va plongerr de plus en plus avant dans les mystères des 108 dragons, mais dont la constante fureur et l’érotisme sauvage est indéniablement apporté par Ryoichi Ikegami toujours prompt à mettre à nu autant les dames que les hommes, aussi bien pour des scènes d’amours, des viols brutaux que pour de pures démonstrations esthétiques, les muscles et les courbes se modifiant sous les poses alambiquées et les tatouages serpentant sur la peau. Une sacrée démonstration de force visuelle de la part de l’illustrateur, qui certes poussera encore plus loin le réalisme détonant de ses planches par la suite, mais qui déjà possédait un style tout à fait particulier et séduisant.
Prévue en cinq gros volumes, la saga Crying Freeman retrouve enfin sa place en France de véritable classique du manga Seinen. Une découverte pour certains sans doute, mais aussi une redécouverte pour tout ceux qui ne gardent en tête que la très belle version cinéma de Gans, pas moins réussie mais certainement plus sage.