CREATURE COMMANDOS PRÉSENTE FRANKENSTEIN T.1
Seven Soldiers : Frankenstein #1-4 + Frankenstein : Agent of S.H.A.D.E. #1-7 – Etats-Unis – 2005 / 2012
Genre : Fantastique, Super-héros
Dessinateur : Doug Mahnke, Alberto Ponticelli
Scénariste : Grant Morrison, Jeff Lemire
Nombre de pages : 256 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 4 octobre 2024
LE PITCH
Loin des bancs de la Justice League adorée du grand public, Frankenstein fait partie d’un réseau d’êtres étranges qui travaillent pour une organisation gouvernementale encore plus étrange : les Sur-Humains Agents de Défense de l’État, plus connus sous le nom de S.H.A.D.E. Avec son équipe, le monstre le plus célèbre de l’histoire protège l’humanité des menaces surnaturelles. Mais peut-il protéger le monde de menaces encore plus horribles que lui ? Et surtout, étant lui-même vilipendé pour ce qu’il est, voudra-t-il accepter cette mission ?
Les coutures qui craquent
Mythique créature imaginée par Mary Shelly il y a des lustres, le brave monstre de Frankenstein a été mangé et croqué à toutes les sauces, à tous les univers et tous les médias. L’éditeur DC Comics en a d’ailleurs fait l’un de ses personnages secondaires, mais régulier, lui offrant même au début des années 2010 sa propre série aux cotés d’un nouveau Creature Commando, toujours prompte à casser de la menace ésotérique et du vilain monstre.
Une idée pas tout à fait nouvelle puisque le concept même de cette bande de créatures gothiques, naturellement très inspirée des Universal Monsters, avait vu le jour en 1980 dans Weird War Tales sous la plume de J.M. DeMatteis et Pat Broderick, en faisant l’une des forces de frappe des alliés durant la Seconde Guerre Mondiale. Ce n’est que bien plus tard que Grant Morrison fera de leur leader, sobrement appelé Frankenstein, l’un des héros de sa série concept Seven Soldiers of Victory, où les aventures de figures un peu oubliées de l’éditeur (Shining Knight, Manhattan Guardian, Mister Miracle…) finissaient pas s’impacter les uns les autres et, par miracle, sauver le monde. Un exercice passionnant et brillant regroupé en France dans les deux premiers volumes de Final Crisis. Une belle réactualisation du personnage, combattant taiseux mais immédiatement iconique, lancé dans des missions déjà totalement délirantes pour une organisation spécialisé dans l’ésotérique, le SHADE, et superbement mis en valeur par l’illustrateur Doug Manhke. Quatre épisodes reproduits ici en ouverture de volume mais qui restent particulièrement abscons (et sans finalité) détachés du reste de Seven Soldiers of Victory, et qui certes présente le contexte des aventures à venir, mais n’en introduit pas vraiment le ton.
Pièces rapportées
Ce n’est en effet que sept ans plus tard que DC Comics se décide à lancer une série régulière faisant suite à ces évènements, et pour le coup inédits chez nous. Frankenstein : Agent of S.H.A.D.E. donc, où en plus de retrouver la sculpturale et méchamment bad-ass Lady Frankenstein (ancienne épouse mais… c’est compliqué) s’amuse à offrir une nouvelle incarnation au Creature Commandos (avec comme il se doit une femme amphibie, un vampire, un loup-garou et une momie venue de la fin des temps) et de les balancer face à des menaces de plus en plus grandiloquentes : une résurrection du OMAC de Jack Kirby, une armée de démons aliens vampirisant les planètes jusqu’à extinction, des cyborg organiques pouvant se reproduire à l’infini et quelques expériences mutantes ratées du SHADE. Bien moins cérébral que Morrison, Jeff Lemire (Sweet Tooth, Swamp Thing, Black Hammer…) embraye surtout sur l’action décomplexée, le grand guignol fun et spectaculaire et les concepts pulps ultra référentiels. Impossible de ne pas reconnaitre ici un décalque de l’univers d’Hellboy, l’élégance et le gothique en moins ou même un joli petit hommage aux Watchmen lors d’un bref flashback au Vietnam, mais le second degré constant et les situations de plus en plus folles font passer tous les excès comme une lettre à la poste. Un joyeux bordel, le plus souvent apocalyptique, où l’artiste Alberto Ponticelli (Soldat Inconnu, Godzilla : Gangsters & Goliaths…) s’en donne à cœur joie dans le chaos, jouant sur des échelles astronomiques (d’une planète consciente à une base miniaturisée à l’échelle d’une fourmilière), multipliant les monstres de tous poils sur une même page, signant des compositions spectaculaires en diable pour un résultat absolument hors norme. Jouissif dirons certains.
Étrange choix éditorial donc de la part de Urban Comics d’accoler un fragment d’une mini-série très particulière déjà publiée en France avec la première partie d’une autre, inédite, mais surtout beaucoup plus tournée vers les délires grotesques et la démesure totale. Reste que si la prestation de Morrison ne parait pas ici sous son meilleur jour, celle de Jeff Lemire et Alberto Ponticelli mérite largement le coup d’œil.