COSMIC DETECTIVE
Etats-Unis – 2023
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : David Rubin
Scénariste : Jeff Lemire, Matt Kindt
Nombre de pages : 192 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 13 novembre 2024
LE PITCH
Le meurtre d’un Dieu menace de déchirer le tissu spatio-temporel, qui est la base même de notre réalité. Notre Cosmic Détective essaye de résoudre l’affaire pour faire obstacle à une destruction totale. Mais les mystères sur lesquels il va enquêter et ce qu’il va découvrir seront-ils pires que le désastre qu’il tente d’éviter ? Et son esprit va-t-il vaciller sous les révélations auxquelles il doit faire face ?
(a) God is Dead
Ce n’est pas la première fois qu’un dieu, ou une figure d’importance égale, ne trouve la mort dans un comic. Ni même qu’il se fasse assassiner et qu’un pauvre humain soit obligé de remonter le fil. Mais cet album jouant, entre autres, la carte de l’hommage à l’immense Jack Kirby, ne s’arrête certainement pas à gratter un peu la surface, il l’ouvre en deux pour voir ce qui se cache dessous.
En grande partie financée par une campagne de crowfounding avant d’être finalement édité en librairie par Images Comics aux USA, Cosmic Detective a ainsi pu profiter de la forme toute particulière (du moins là-bas) d’un album complet. Pas de découpage en chapitres, pas de suite à attendre ou d’épisodes précédents à quetter pour tout comprendre, la proposition est une œuvre auto-contenue, un roman noir et graphique qui joue avec ses propres frontières pour y scruter l’abime. Comme le titre l’indique, il s’agit donc bien d’un pur polar, récit d’une enquête dans lequel un détective œuvrant pour une mystérieuse organisation sans visage, doit retrouver l’origine d’un crime, un meurtre, dont les conséquences vont ébranler son monde. Recherche d’indices, discussions avec les collègues de la médico-légale ou des archives, découverte d’une amante qui serait devenue gênante, confrontation à une famille trop riche pour être honnête… Tout cela menant bien entendu à un opaque complot certainement trop vaste et bouleversant pour ses pourtant larges épaules. Le duo de scénaristes formé par Jeff Lemire (Descender, Animal Man, Gideon Falls…) et Matt Kindt (BRZRKR et pas mal de titres Valiant) connait son petit Raymond Chandler sur le bout des doigts, mais marie ce cadre sombre et crasseux avec le pur délire de science-fiction.
Le chariot des dieux est garé en bas de la rue
De celle où le coffre d’une voiture donne accès à un passage vers des dimensions azimutées, hors de toute logique connue, où un agent peut voyager en quelques seconde d’un point à l’autre au travers d’une bouche incendie et où surtout des entités surpuissantes vivraient parmi nous depuis des millénaires. Et forcément quand l’une d’entre elle se fait éliminer (alors que c’est bien entendu censé être impossible) c’est le chaos assuré. Au-delà du gimmick façon Blade Runner psychédélique, la grande qualité de Cosmic Detective est de nourrir un genre avec l’autre et vice-versa, pour mener le lecteur jusqu’à une révélation dramatique aux proportions inimaginables renvoyant à des questionnements moins métaphysiques que profondément intimes. Le but d’une vie face à l’immensité de l’univers, le choix d’une simple existence face au néant, Cosmic Detective n’est pas forcément que le petit divertissement qu’il semble être. Bien entendu la ligne principale y est volontairement classique, « à l’ancienne » mais l’approche visuelle très particulière de David Rubin (Rumble, Ether, Robocop : Citizens Arrest…) vient constamment déconstruire la linéarité. Il y joue généreusement sur les contrastes chromatiques entre notre monde et le leur, déployant des découpages sophistiqués et presque rythmiques à la manière de Will Eisner et Jim Steranko et faisant littéralement décoller le récit dès qu’il renoue avec le space opera tripant à la Jack Kirby.
Quelque-part entre une variation autour du Quatrième monde et le surréalisme dalinien, Cosmic Detective est un vieux polar qui en met plein les yeux.