COPRA VOL.1
Copra #1-6 – Etats-Unis – 2012/2013
Genre : Super-héros, Action
Scénariste : Michel Fiffe
Illustrateur : Michel Fiffe
Editeur : Delirium
Pages : 160 pages
Date de Sortie : 10 septembre 2021
LE PITCH
COPRA : une équipe de sales types chargés de faire le boulot dont les agences gouvernementales ne veulent pas. Mais après une opération clandestine qui tourne mal, ils sont contraints de se faire discrets tout en retrouvant ceux qui les ont trahis.
Morituri te salutant
Alors que la Suicide Squad se refait une santé sur grand écran, il serait sans doute un peu temps de découvrir en France l’une de leur meilleures itérations… Non pas chez DC, mais sous la forme d’un comic indépendant crée et auto-publié par Michel Fiffe.
Jeune artiste ayant dévoré tout ce que le comics a pu livrer de meilleurs au cours des années 80 et des décennies précédentes, Michel Fiffe n’a jamais caché ses nombreuses inspirations, et certainement pas celle de Suicide Squad. La période orchestrée par John Ostrander à la fin des années 80 pour être exact, celle qui a effectivement donné ses lettres de noblesse au titre et largement insufflé son âme au récent film de James Gunn. D’ailleurs, Copra est directement issu d’un épisode que Fiffe avait imaginé dans son coin, intitulé Deathzone, mais qu’il n’avait pas réussi à glisser sur le bureau des éditeurs légitimes. Peu importe, le scénariste reprend sa copie, efface les formes les plus discernables mais en préserve l’esprit…. Et même le repousse plus loin encore, faisant de sa bande de mercenaire aux super-pouvoir un ramassis d’anti-héros, pas héroïques pour un sou, cohabitant difficilement, trahissant leurs prochains et ne rechignant pas à l’élimination pur et simple. Que leurs costumes bariolés (où les connaisseurs peuvent s’amuser à reconnaître les formes de quelques figures plus mainstream) ne vous trompent pas, les agents de Copra sont de véritables barbouzes plongés dans un univers sans pitié et franchement déglingué. Kitch mais violent, sec, sans retour, d’autant que dans ce premier recueil les quelques survivants de la bande (ça tombe comme des mouches ici aussi) sont sur les traces d’un ancien collègue renégat, surpuissant, les ayant transformés en ennemis public numéro 1 après avoir ravagé une ville dans un superbe champignon atomique.
Nés du chaos
Une sobre histoire de vengeance, droite comme un i où émerge justement la vision anachronique du comic de super héros selon Michel Fiffe. Quelques amorces de psychologie pour crédibiliser les personnages, quelques lignes pour tracer l’arrière-plan du thriller, et le reste sera uniquement et constamment animée par l’action pure, le mouvement constant des protagonistes. Une volonté d’expérimenter, de retrouver la frénésie que les vétérans appellent « franchir la barrière de Kirby », soit s’engouffrer dans un rythme de publication mensuel, se laisser emporter par le récit et le dessin sans jamais revenir (pas le temps) en arrière. Une énergie irradiante, percutante, spectaculaire soit, mais surtout impressionnante dans la richesse de la mise en scène de Fiffe, déconstruisant les habituels gaufriers avec la liberté d’un Steranko, amorçant les matières comme un Frank Miller, et multipliant constamment les actions dans une même planche, une même case, offrant une profondeur de plan rarement atteinte dans la BD américaine. Pourtant de prime abord son trait semble un peu rustre, trop carré, trop simpliste, mais rapidement les richesses de son style explosent à la face d’un lecteur comme put le faire l’immense Steve Ditko en son temps. On reconnaît d’ailleurs dans Copra un cousin de son Doctor Strange et une manière équivalente de faire plier la réalité de la BD aux pouvoirs plus ou moins hallucinés d’une écurie composée d’ersatz de vigilante façon Punisher, de mercenaires décadents revisitant les Reavers de Chris Claremont, de héros déglingués échappés de la Doom Patrol de Grant Morrison ou de demi-dieux régnant sur le Quatrième Monde. Un melting-pot sidérant, harassant, mais que Michael Fiffe réussit à rendre cohérent non pas par le verbe, mais par la boulimie de son dessin.