CLEAR
Clear #1-6 – États-Unis – 2021 / 2022
Genre : Science-Fiction, Policier
Dessinateur : Francis Manapul
Scénariste : Scott Snyder
Nombre de pages : 160 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 29 mars 2023
LE PITCH
Il est devenu possible d’adapter la réalité à nos propres préférences (modes steampunk, porno, médiéval, etc.), tandis que le monde reste statique. Merveilleux, non ? Pas vraiment… SAM DUNE, un ancien flic devenu détective privé, enquête sur un suicide. Dune vit en mode CLEAR, sans aucun filtre. Il voit le monde tel qu’il est vraiment. La victime est son ex-femme, et elle n’avait rien de suicidaire…
Lever le voile
Ancien scénariste star de DC comics, parti quêter la liberté créative du côté de Comixology et Dark Horse avec son propre label Best Jackett Press, Scott Snyder s’essaye au polar cyberpunk avec Clear. Une mini-série au concept des plus pertinents, épaulée par le talentueux dessinateur Francis Manapul (The Flash, Witchblade).
Si Scott Snyder a fait son succès et sa réputation c’est inévitablement par son long run sur l’univers Batman, mais des titres comme American Vampire, Wytches ou Undiscovered Country ont aussi largement prouvé son appétence pour des approches horrifiques, s’éloignant de la fantasy propre aux super-héros. Mais la pure science-fiction n’avait pas encore pointé le bout de son nez au sein de sa bibliographie, et en particulier le cyberpunk. C’est clairement chose faite avec Clear, qui plonge le lecteur dans le San Francisco de 2052 où tout le monde se trimballe désormais avec son « voile » un filtre de réalité comme ceux des réseaux sociaux actuels, mais qui pour le coup transforme toute le champs de vision de la personne. Certains aiment à refaçonner le monde en version Fantasy, d’autres en film d’horreur, d’autres en passé plus heureux…. Peu en définitive observent encore réel qu’il est, surtout depuis que les USA se sont effondré face à la chine lors d’une troisième Guerre Mondiale peu glorieuse. Naturellement, le héros de l’histoire, Sam privé obstiné, reste en mode « clear » et préfère se heurter au monde tel qu’il est, triste, gris et en pleine déconfiture.
Mensonges futurs
Snyder rejoue admirablement tous les codes du vieux film noir avec sa figure d’enquêteur solitaire (et bien entendu narrateur) qui en tentant de découvrir la raison de la mort de son ex-femme va croiser un ancien pote policier, quelques gangs de dealers, quelques âmes en peine, des femmes fatales et bien entendu un authentique complots mêlant industriels et politiques aux plus hauts sommets de l’état. Classique, mais des codes parfaitement intégrés et qui s’incarnent très efficacement dans ce futur constitué uniquement de différentes couches de mensonges, de visions biaisées et de traitres en puissance. Difficile de ne pas accrocher dès les premières pages car si certains évènements ou twist, si le déroulé général, peuvent paraitre un poil prévisibles pour les habitués, l’univers et le concept qui portent tous le récit viennent nourrir habilement une réflexion des plus intéressantes. Une extrapolation de la manière dont ce type d’application anodines révèlent la manière dont nos sociétés modernes sont capables de se voiler la face, de se tourner vers des fantasmes plutôt que vers les véritables combats à mener.
Toujours un peu trop bavards, Scott Snyder manque cependant parfois d’étouffer son récit sous des dialogues un peu trop épais, sous un manque de respirations qui par exemple limite les visions pour le lecteur de ces fameux voiles à quelques rares exemples et retient aussi sans doute la dynamique plus nerveuse que tente de lui insuffler l’excellent Francis Manapul. Heureusement ce dernier marie élégamment les atmosphères lourdes du roman de gare avec les visions plus colorées et électriques du cyberpunk, jouant constamment avec le découpage et les palettes de couleurs pour venir titiller la crédibilité et la cohérence de ses planches. Clear lui doit clairement beaucoup.