CHIENS ET LOUPS T.1 : LE TEMPS DES OMBRES
France – 2024
Genre : Policier, Historique
Dessinateur : Dominique Hé
Scénariste : Noël Simsolo
Nombre de pages : 48 pages
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 19 juin 2024
LE PITCH
Dans le Paris occupé des années 1940, un quartier échappe au couvre-feu imposé par le gouvernement de Vichy : à Pigalle, les cabarets continuent d’accueillir leur lot de clients dans une ambiance de fête. C’est là que Victor passe ses nuits sur les tables de jeu. D’origine turco-juive, ce truand proche de la pègre collabore aussi avec l’occupant nazi. Ses affaires tournent bien, la situation commence même à lui rapporter de jolies sommes. Se revendiquant « neutre » comme André, son ami suisse, Victor aide cependant certains amis à quitter le pays. Il sent bien que l’étau se resserre autour de la capitale. Mais qu’adviendra-t-il si les Allemands venaient à apprendre ses origines juives ?
Wilkommen
Habitués à mêler thriller et grandes trames historiques, le duo formé par Noël Simsolo et Dominique Hé (Les miroirs du crime, Du côté de l’enfer, Pornhollywood) dépeint dans Chiens et Loups l’atmosphère à couteau tiré du Paris de l’occupation. Entre petits truands, gangsters, chanteuses de charmes et agents de la Gestapo, il faut savoir tirer son épingle du jeu.
Auteur de roman policier et grand cinéphile à qui on doit quelques ouvrages d’entretiens avec Sergio Leone, Jean-Pierre Mocky ou Bertrand Tavernier, Noël Simsolo ravive ici toute une imagerie du film noir. Celui qui déjà plongeait dans les ruelles sombres d’une Europe meurtrie par les nazies, où les agents doubles sont légion, où tout le monde ment ou occulte autant ses motivations que ses origines et où les amitiés ne peuvent être que faussées. Entre récit d’espionnage et reconstitution historique très documentée et légèrement fantasmée, Chiens et loups s’attarde plus longuement sur la place de Victor, louvoyeur du quartier de Pigalle qui n’hésite pas à racheter les clubs locaux pour le compte de véritable mafieux, à déambuler dans les boites homos ou les bordels, mais aussi à trinquer avec les généraux allemands après avoir rendu un petit service à la résistance. Opportuniste certes, mais aussi un juif d’origine (non pratiquant comme il le précise) se faisant passer pour un Turc musulman, officine alors jugée comme neutre dans le conflit. Victor travaille pour son propre intérêt et pour les jolis yeux des belles blondes, mais l’histoire va forcément le rattraper et l’obliger peu à peu à choisir son camp.
Le troisième homme
C’est tout le cheminement de ce premier album du diptyque qui décrit un monde de la nuit plus dangereux que jamais tout en s’efforçant de montrer les mécanismes qui vont finalement enrôler le protagoniste malgré lui. Un enchainement de révélations, de trahisons, d’arrestations et d’exécutions qui après une introduction bien dosée semblent s’accélérer un peu trop rapidement à grand coups d’ellipses et de raccourcis compressés. L’auteur semble manquer d’espace, de pages pour véritablement faire naitre un sentiment de tension et explorer plus solidement aussi quelques figures secondaires, de l’homme de main facho convaincu aux figures féminines obligées de se vendre pour survivre. Pourtant l’atmosphère est là, toujours ou presque plongée dans la nuit, dans les arrière-salles des musical et des bouges moins fréquentables, efficacement croqués par le dessinateur Dominique Hé, grand vétéran de la ligne clair (de Métal Hurlant à Pif Gadget et des tonnes d’albums) qui semble parfois manquer tout de même d’un peu de finesse et de stabilité dans les contours de ses personnages.
Malgré un cadre particulièrement évocateur et un anti-héros plutôt accrocheur, Le Temps des ombres ne réussit pas totalement à happer le lecteur dans son thriller historique. Un peu dommage, mais peut-être que le script retrouvera un peu d’équilibre avec le second tome à venir ?