CHIARA ROSENBERG ET AUTRES GOURMANDISES
31-12-1999, Chiara Rosenberg, Aura, – Italie – 1992 / 1998
Genre : érotique
Dessinateur : Roberto Baldazzini
Scénariste : Celestino Pes, Roberto Baldazzini, Lorena Canossa
Nombre de pages : 240 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 06 septembre 2023
LE PITCH
Côté pile, Chiara Rosenberg subit les outrages de son mari juif. Elle est maso. Côté face, elle domine son amant catholique. Elle est sado. Petit à petit, elle s’aventure dans une passion dévorante avec son jeune photographe, tandis qu’elle se soumet docilement, mais avec ennui, aux jeux de son mari. Au final, l’amant obéissant se révélera aliéné et l’impétueux mari finira par douter de sa fidélité.
Femmes du monde
Cela fait maintenant plus d’une dizaine d’année que la collection Erotix de Delcourt propose régulièrement en albums les œuvres de Roberto Baldazzini, alliant lignes pures et pratiques plus « cuirs ». Après un imposant recueil de courtes Bizarreries en 2017, l’éditeur réunit ici deux de ses séries les plus célèbres et un étonnant voyage cyclique à l’orée de l’an 2000.
Si son nom est essentiellement affilié à une certaine école de l’érotisme et de la pornographie italienne, Baldazzini a aussi œuvré dans des registres moins explicites. Petite curiosité relativement méconnue dans sa bibliographie, 31-12-1999 est conçu comme une étrange ronde autour d’évènements et de personnages qui se croisent et se décroisent avant, pendant et après les festivités d’un nouveau millénaire. Ici les contours sont extrêmement épais, les noirs prégnants, brillants, et les cases toujours resserrées comme pour marquer l’étouffement des sentiments et des désirs. Pas toujours facile à suivre dans son enchevêtrement de rencontres et de sous-entendus, ce récit gigogne est pourtant idéal pour comprendre les principales sources d’inspiration de l’artiste. Il n’est ainsi pas forcément question de ligne claire, mais plutôt d’un écho sombre des anciens comicstrip américains (façon Flash Gordon par Alex Raymond) où se mêlerait une relecture cruelle des roman-photo à l’eau de rose et érotique qu’il dévorait tout jeune. La perversité des actes sexuels restent hors champs, mais les tromperies en pagailles, les mensonges et les baisers volés au détour d’un couloir enflamment forcément l’imagination.
Maitresses
La créativité du lecteur est forcément un peu moins exigée pour les deux beaucoup plus connus (et plusieurs fois édités chez nous) Chiara Rosenberg et Aura l’orpheline. Le premier est le récit d’un couple marié, lui romancier en fantasmes dominateurs, elle critique de cinéma qui se lasse des petits jeux de son époux et des mauvais traitements qu’elle reçoit sans cesse. Sa rencontre avec un jeune homme qui l’idolâtre va remettre en perspective sa vie amoureuse et surtout les désirs qui sont les siens, aimant finalement plus offrir la douleur que la recevoir. Le second, au contenu plus pornographique, est la chronique d’une adolescente à la rue qui trouve pendant un temps un abri dans un bordel tenu par une camarade transsexuelle. Comme un conte de Dickens mais avec beaucoup moins de vêtements et bien plus de partie de jambes en l’air, Aura multiple les malheurs, les mauvais traitements et les infortunes et ne finira par s’échapper que grâce à un petit miracle. Il est d’ailleurs assez évident que Baldazzini a toujours un peu de mal à finir ses histoires, optant pour l’épilogue elliptique, le deus ex machina ou le flottement en fondu. Il est, tout autant évident que ses planches toujours très libertaires dans leur approche du sexe et des différentes orientations de tout un chacun (il est le créateur Casa HowHard, célébration de la transsexualité) restent constamment teintées d’une impressionnante noirceur. Si ses héroïnes sont aussi belles que volontaires, qu’elles s’offrent naturellement à tous les plaisirs, la réalité sous-jacentes pose à chaque fois d’un même mouvement la question de la place de ces dernières dans la société et dans un décorum inévitablement masculin et oppressant. Opposé justement à ses illustrations toutes en courbes, en épures et en lignes charnelles, la dureté de ses trames et du monde qu’il approche laissent un goût toujours un peu amer en bouche.
Une œuvre définitivement particulière dont on peut en outre découvrir d’autres attributs dans le présent volume grâce à une longues galerie de superbes illustrations, plus ou moins artistiques, plus ou moins culottées, mais toujours amoureuses de leurs modèles.