CELUI QUE TU AIMES DANS LES TÉNÈBRES
The Me You Love In The Dark #1-5 – États-Unis – 2021
Genre : Horreur
Scénariste : Skottie Young
Illustrateur : Jorge Corona
Éditeur : Urban Comics
Pages : 128 pages
Date de Sortie : 30 septembre 2022
LE PITCH
Ro est une jeune peintre dont les dernières toiles lui ont assuré une renommée naissante. Malheureusement, ses nouvelles créations se font attendre. Aussi, son galeriste lui conseille une retraite au calme, à l’abri du tumulte de la ville. Ro trouve alors une vieille demeure, prétendument hantée, dans laquelle elle retrouvera l’inspiration, et bien plus encore…
L’amour en peinture
Après le réussi Middlewest Skottie Young et Jorge Corona offrent un récit plus resserré et certainement plus horrifique… ou plus romantique. Un thriller intimiste et gothique étonnant.
Avec son fantastique débridé, ses accents inquiétants et presque super-héroïques Middlewest avait certainement séduit par son approche psychologique à la fois assez fine et discrète, mais qui finalement portait plus ou moins tout le récit aussi bien dramatiquement qu’émotionnellement. Si les deux auteurs se détachent du monde adolescent pour s’intéresser cette fois-ci à une jeune femme, peintre en attente d’une nouvelle inspiration, et que la tonalité se tourne plus volontiers du coté de l’imagerie de la maison hantée, le travail constant sur les différents niveaux de lecture reste identique et tout aussi, voir plus encore réussi. Celui que tu aimes dans les ténèbres est donc un comics qui mise énormément sur son ambiance, admirablement illustré par un Jore Corona (Goners, Flash Rebirth…) dont le trait vif et élancé, se complait tout autant dans la construction d’un décor gothique aux ombres plus qu’inquiétantes. Là dans cette demeure dite hanté, Ro va peu à peu prendre contacte avec le fantôme local, dessiné tour à tour comme une simple silhouette des plus humaines et une créature au visage en mutation, quasiment lovecraftienne.
Ghost
La rencontre est étonnement calme, civilisée passée la surprise initiale et peu à peu se tisse une relation pleine de compréhension, d’amitié, de chaleur, de partage d’intimité et finalement de romance hors normes. Un idylle où pointe, souvent graphiquement justement, des notes bien plus inquiétantes soulignant le glissement de la charmante Ro dans un piège qu’elle ne voit jamais se resserrer autour d’elle. Souvent plutôt économe en texte, laissant les planches magnifiées par les couleurs ténébreuses de Jean-François Beaulieu (Rocket Raccoon & Groot, Marvel Zombies, Invincible) décrire le quotidien et la relation entre les deux personnages, Skottie Young (Strange Academy, I Hate Fairyland) compose une affaire de possession, un conte fantomatique relativement classique, déroulant sans lente progression jusqu’à un dernier épisode beaucoup plus brutal et spectaculaire s’achevant dans le feu purificateur attendu. Mais outre cette mise en scène particulièrement organique et suave, cette montée en tension parfaitement maitrisée, Celui que tu aimes dans les ténèbres est finalement surtout fascinant pour sa capacité à retranscrire toutes les étapes tristement ordinaires d’une relation passionnelle avec un partenaire pervers, possessif et donc particulièrement toxique. Des premiers frissons, de ce sentiment si douillet d’exclusivité réconfortante jusqu’au premiers signes flippants de la jalousie dévorante et de la violence de moins en moins contenu, Skottie Young déploie un drame psychologique et sentimental aussi tristement juste que dévastateur.