CATWOMAN : LONELY CITY
Catwoman Lonely City #1-4 – Etats-Unis – 2021 / 2022
Genre : Super-héros
Scénariste : Cliff Chiang
Illustrateur : Cliff Chiang
224 pages
Editeur : Urban Comics
Date de Sortie : 10 février 2023
LE PITCH
Il y a dix ans, le massacre connu sous le nom de Nuit du Fou coûta la vie à Batman, à Nightwing, au commissaire Gordon ainsi qu’au Joker… et a envoyé Catwoman derrière les barreaux. Une décennie plus tard, Gotham a changé et remisé l’héroïsme et autres phénomènes de foire au rayon des souvenirs encombrants. La nouvelle Gotham est plus propre, plus sûre… et désormais placée sous l’oeil vigilant du maire Harvey Dent et de ses Batcops. C’est dans cette nouvelle ville que Selina Kyle revient, marquée, avec en tête un dernier gros coup : les secrets enfouis de la Batcave et une ultime promesse faite à Bruce Wayne !
The Dark Cat return
Après le récent Batman Catwoman par Tom King, la féline de Gotham poursuit sa mue et son entrée dans la maturité sous les pinceaux de Cliff Chiang (Wonder Woman, Paper Girls). Un nouveau What if où Selina Kyle s’incarne définitivement comme l’âme des laissés-pour-compte de la ville dans un futur écrasé sous la coupe de Double Face.
Bien entendu tout cela se déroule sous le Black Label et donc en dehors de toute chronologie officielle, mais en prenant totalement ses distances avec la vision plus sexy (voir bimbo) de sa série traditionnelle actuelle, la femme chat retrouve sa véritable personnalité. Un personnage à la féminité et la sexualité affirmée soit, mais aussi une femme complexe, souvent ambiguë dans son rapport à la loi et à la morale, et qui tente même au-delà de la mort de trouver une faille dans l’armure du Batman. Car celui-ci n’est plus (tout comme Robin, Nightwing ou Alfred, emporté durant « la nuit du fou », ultime performance meurtrière du Joker), et c’est bien elle qui fut condamné pour le décès de Bruce Wayne. Dix ans plus tard elle sort enfin de prison, fatiguée et un peu rouillée, et découvre une ville ultra sécurisée, un état policier contrôlé par un Harvey Dent repenti en cours de campagne pour la réélection au poste de maire contre une certaine… Barbara Gordon. Cliff Chiang se réapproprie parfaitement l’univers DC et lui offre une vision future qui ne se contente pas de brasser les indéfectibles code de la dystopie (qui reste ici assez légère), mais surtout de donner un éclairage inédit sur des personnages vieillissant.
« Rrrrrrrrr »
Souvent d’anciens vilains rangés des voitures, comme Nigma (désormais papa divorcé), Croc (qui doit reprendre le sport) ou Poison Ivy (toujours aussi délurés avec ses nouvelles rondeurs) rapidement qui sont bien évidemment prompt à rejouer les années de gaudrioles et d’acrobaties sur les toits autant pour suivre leur amie dans un ultime coup : entrer dans la Batcave afin de comprendre le dernier mot que Bruce lui glissa dans l’oreille avant de mourir, « Orphéus ». Un récit de casse parfaitement orchestré façon Ocean’s Eleven qui rapproche forcement un peu Lonely City du Rogues de Joshua Williamson et leomac (sorti chez nous il y a quelques semaines à peine), mais là où le premier optait pour le ton de la farce un peu foutraque, celui préserve surtout une vraie tendresse pour son personnage principal et ses acolytes, en en faisant moins des acteurs de comédie que des figures touchantes, matures, revisitant une vie hors normes dans un monde où trouver sa place n’a jamais été aussi ardu. Se présentant pour la première fois comme auteur complet en prenant en charge lui-même l’écriture du scénario, Cliff Chiang retrouve dans le texte la fluidité, la ligne évidente de son trait, restant constamment au plus près de ses personnages, de leurs enjeux personnels, et pourquoi pas politique, en leur offrant une épaisseur nouvelle, une redéfinition plus humaine, plus sensible.
Une opération franchement réussie donc, même si les petites révélations finales, ne sont pas forcément aussi spectaculaires ou renversantes qu’on l’aurait souhaité, où une fois encore l’artiste fait la démonstration de sa maitrise constante du dessin, à la fois rétro et parfaitement moderne, découpé avec un rythme aussi souple et vif qu’un chat sur un toit brûlant. Avec Cliff Chiang, Catwoman n’a rarement été aussi belle qu’à la cinquantaine.