CARMEN BOND
Espagne – 1987
Genre : Erotique, Comédie
Dessinateur : Alfonso Font
Scénariste : Alfonso Font
Nombre de pages : 64 pages
Éditeur : Tabou BD
Date de sortie : 29 août 2023
LE PITCH
Vous êtes-vous déjà demandé comment vous réagiriez si vous étiez confronté au genre de beauté fatale qui orne la couverture de ce bel album ? Les protagonistes des histoires de Carmen Bond n’ont pas eu le temps de se la poser, ils n’ont eu qu’à subir… parfois, à leur profit, souvent à leurs dépens. Séduire la rouquine Carmen n’est pas de tout repos !
Les tentatrices
Déjà publiée en France, mais il y a des lustres et chez le défunt Himalaya, la bande coquine Carmen Bond est à nouveau éditée chez Tabou dans une nouvelle version recolorisée et avec en prime 14 pages inédites consacrées aux (més)aventures de sa copine Demonika.
Le récit principal de l’album, Carmen Bond donc, n’est pas forcément un modèle d’écriture et d’originalité. Une petite intro prétexte (capillotractée à mort) permet d’enchainer les petites péripéties épisodiques où on a souvent bien du mal à voir le lien général. Envoyé à travers le temps pour avoir osée déviée la libido d’un gourou indou, Carmen Bond n’est pas que la plantureuse rousse de couverture, mais une créature multiple, une femme aux nombreux visages, blonde, brune et tous les dégradés, toujours incroyablement faite bien entendu et qui doit composer avec les désirs et les faiblesses des hommes. Une succession de petits gags polissons, de petits contes pour adultes qui ne font pas mal à grand monde, où la (les) demoiselles jouent des tours à un monarque lubrique, à un fils de dictateur impuissant, aux belligérants de la Guerre Froide, à un chevalier en armure, ou découvrent les fantasmes cachés du grand Tarzan, tout en assouvissant pleinement leurs propres envies dans les bras d’un détective de film noir ou dans la peau de la gourmande Cléopâtre. Second degré, anachronisme à foison et transgression du quatrième mur, les planches de Carmen Bond ne se prennent vraiment pas la tête, restant plaisantes, assez désuètes sans jamais vraiment se révéler particulièrement drôles non plus.
Le charme ibérique
Un petit coup de vieux sans doute. Cependant les talents d’illustrateur du grand Alfonso Font sont eux toujours aussi éclatant. Un artiste dont les détours vers l’érotisme sont finalement plutôt rares, ce dernier étant surtout connus pour quelques références comme Le Prisonnier des étoiles, la série des Clarke et Kubrick, Le Dôme des plaisirs, Alise et les argonautes et des volumes plus récents de la longue saga western de Tex. L’espagnol livre ici forcément de superbes demoiselles toutes en jambes, en poitrines opulentes et en bouches pulpeuses, mais la vivacité et la précision ferme de son trait, son réalisme légèrement caricatural et l’expressivité de tout ce joli monde, donne clairement du corps à l’ensemble. Les lecteurs de 1987 seront en revanche peut-être un peu décontenancés par le nouveau traitement des couleurs, intégralement numérique, qui certes reste plutôt soigné et minutieux, mais qui n’a pas forcément la suavité d’origine. Il est d’ailleurs facile de comparer ce rendu puisqu’en supplément l’album de Tabou glisse un épisode d’une dizaine de pages de la démone Diabolika. Quelques pages travaillées en couleurs directes par l’artiste au résultat plus naturel et chaud, tout comme d’ailleurs le tempérament de la gentille envoyée de Satan qui se plie en quatre pour dégotter quelques âmes damnées pour son maitre. Là aussi d’ailleurs la chute tourne un peu court, mais le petit coté fantastique, son humour un poil plus noir et ses cases légèrement plus explicites, lui offrent d’autres arguments.