CAPITAINE KAIMANN
Etats-Unis – 2023
Genre : Space Opera
Dessinateur : Jon Davis-Hunt
Scénariste : Dan Watters
Nombre de pages : 108 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 02 novembre 2023
LE PITCH
A bord de son vaisseau pirate, entouré des fantômes de son équipage disparu, le capitaine Kaïmann cherche à se délivrer de la malédiction qui le transforme lentement en reptile. Cette quête cosmique l’amène à trouver l’amour, auprès d’une femme toute droit venue du futur. Mais la mystérieuse Aurora doit elle aussi composer avec ses propres malédictions, et les deux amants devront faire face à nombre d’obstacles pour être réunis à travers les époques.
Le Corsaire de l’espace
Nouvelle proposition dans l’univers étendus de L’Incal après Kill Tête de chien et Mental Incal avec un album entièrement consacré au destin du Capitaine Kaimann, pirate de l’espace mutant et sans pitié… mais définitivement romantique.
Au milieu des nombreux personnages imaginés par Alejandro Jodorowsky au sein des diverses séries qui gravitent autour du mythique Incal, on n’imaginait pas forcément que Capitain Kaimann (qui autrefois ne s’écrivait qu’avec un seul N) serait celui qui attirerait immédiatement les auteurs invités. Ce dernier n’était d’ailleurs même pas dans la série centrale, mais plutôt un personnage assez secondaire apparu dans le dernier tome de Avant L’Incal dessiné par Janjetov puis plus récemment dans la trilogie Final Incal illustrée par José Ladrönn. De quoi peut-être aussi lui octroyer une aura plutôt mystérieuse et une mythologie propre possiblement à défricher sans heurter les lecteurs de la première heure clairement pas convaincus par les tentatives précédentes, Kill Tête de chien et Mental Incal. Dans le scénario de Dan Watters (House of Whispers, Lucifer, Home Sick Pilots…) se déroulant manifestement quelques années avant le début d’Avant l’Incal, Kaimann est presque déjà une légende, pourfendeur de navires aristo aux cotés de son équipage d’holo-fantômes, mais aussi héros d’un livre poussiéreux redécouvert à la fin des temps par une secte adorant la mort et la pourriture.
A travers le temps
L’une des disciples, Auroro, lit malgré l’interdit l’ouvrage à quelques gamins entamant la création d’un lien avec le pirate qui va s’achever lorsque celui-ci entamera un récital sur un paléo-violon aux propriété étonnantes : voici que la jeune fille apparait bord de ses vaisseaux ! Aux milieux du chaos des évènements, cette rencontre fait renaitre le sentiment central de L’Incal : l’amour. Comme Jodo avant lui, Watters fait du plus simple des sentiments le moteur de l’album puisque le Capitaine ne va avoir ensuite de cesse de tenter de la retrouver à travers le temps et s’efforcer de la sauver d’un massacre annoncé, quitte à ravager des empires et renverser le trône de son père (une constante là aussi dans l’œuvre du chilien). Malgré la gestion des connexions temporelles et de la reconstruction des conséquences (le final est plutôt bien amené), Captain Kaimann reste un album sensiblement plus accessible que ses modèles, mais n’en capture pas moins l’identité et l’essence, réussissant à marier à son tour la violence et l’absurde de ce Space Opera définitivement baroque, avec une certaine poésie sensible et une célébration de l’art et de la création. Et le protagoniste lui-même y gagne certainement, devenant une figure tragique malmenée par le destin, mutant rejeté en proie à la vengeance comme un héros shakespearien et qui se réinvente pour une simple promesse.
Une solide proposition qui pourra enfin satisfaire les fans surtout que l’illustrateur Jon Davis-Hunt (Shadowman, Bloodshot Unleashed…) s’inscrit non sans une certaine modestie dans la lignée plus efficace que démonstrative de Janjetov recentrant constamment son découpage sur les personnages plutôt que des démonstrations graphiques plus vaines. Son découpage acéré et les quelques pleines pages et leurs visions décadentes (l’image du père de Kaimann par exemple) n’en demandent pas plus. En dehors des chefs d’œuvre officiels de Jodorowsky c’est sans doute l’album de L’Incal qui convainc le plus.