CANARY
Canary #1-6 – Etats-Unis – 2022/20023
Genre : Western, Horreur
Dessinateur : Dan Panosian
Scénariste : Scott Snyder
Nombre de pages : 160 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 22 mai 2024
LE PITCH
Au cours des derniers mois de la conquête du grand Ouest américain, une société minière du Colorado cherche désespérément ce qui peut rester comme minerai. Au cours de ses ultimes fouilles, elle tombe sur de l’uranium radioactif, avant que la mine s’effondre sur elle-même. Des légendes circulent bientôt au sujet de cette mine maudite qui pourrait être hantée…
Le mal du pays
Scott Snyder poursuit son exploration de la BD d’horreur dans le label Best Jackett Press édité en partenariat avec Comixology (en ligne), Dark Horse (aux USA) et Delcourt (en France), avec sa dernière création Canary. Presque comme un retour aux sources pour l’auteur puisqu’il s’agit aussi là d’un mélange western / horreur …
Et le premier gros succès du scénariste, ne fut-il pas American Vampire ? Si effectivement la menace présente dans Canary n’est pas tout à fait identique et que le récit par lui-même se fait plus auto-contenu et même dans une certaine mesure, bien plus classique, on retrouve inévitablement certaines sensations dans cette confrontation entre l’imagerie de l’ouest d’autrefois et un fantastique inquiétant qui va autant planter ses racines dans les classiques gothiques que dans, c’est incontournable, les mythes lovecraftiens. Pas de suceurs de sang à l’horizon, mais certainement quelque chose de beaucoup plus insidieux, de beaucoup plus pervers et malade, qui rejaillirait peu à peu des vieilles mines abandonnées de la ville de Canary. Un lieu intimement lié au destin du Marshall William Holt, autant connu pour ses hauts faits que pour son masque iconique, qui pensait y avoir éliminé bien des années plus tôt un terrible serial killer. Retour au bercail, hanté par ce souvenir terrible mais aussi par la mort de sa femme et de son enfant, alors que les forces du mal et de terrible secrets enfouis sous le sol, s’apprêtent à refaire surface.
Le secret de la mine perdue
Scott Snyder est clairement ici dans ses petits chaussons et nous rejoue en arrière-plan toutes les ficelles opératiques dont il raffole, quitte effectivement à galvauder quelque-peu son dernier grand chapitre, spectaculaire et démonstratif, dans un air de déjà-vu un peu trop prégnant. Une mythologie démoniaque sur fond de secte secrète et d’Armageddon annoncée qui fait un peu pâle figure avec tous les efforts fournis préalablement pour installer une atmosphère sombre, lourde et inquiétante, et pour distiller une confrontation profonde entre la notion de légende de l’ouest et la triste réalité qu’elle pouvait parfois dissimuler. William Holt est ainsi surtout connu par ses contemporains par le biais de romans à 6 sous basés sur ses aventures, mais celle-ci y sont surtout largement romancées et édulcorées. Un héros malgré lui, désormais surtout attentif à une retraite méritée qui approche à grands pas, qui ne supporte plus de devoir être témoin de la violence et la barbarie qui habite son monde. Le western est certainement plus proche des aspects crasseux de l’école italienne que du bon vieux Technicolor américain et le dessinateur Dan Panosian (Slots), longtemps essentiellement connu pour ses travaux d’encreur, s’en donne à cœur joie avec ses contours fébriles, ses personnages très réalistes et finement brossés, mais où l’aspect terreux des couleurs peut rapidement laisser place à des bleus de nuits américaines et des jaunes ocres d’une chaleur étouffante.
Le récit menace alors constamment de bifurquer, de s’enfoncer dans les ténèbres et le désespoir, faisant presque oublier que Scott Snyder peut parfois donner l’impression d’écrire en mode automatique et de s’épancher, comme bien souvent, dans des dialogues bien épais. Dommage, le western, même horrifique, n’est jamais aussi puissant que lorsqu’il laisse le vent et les colts conter l’histoire.