Au-delà du mur d’Hadrien donc, sur les terres des Scots, ancêtres bien entendu des fiers écossais, qui déjà bravaient l’autorité de l’envahisseur tentant de leur imposer un régime qui n’était pas le leur. Aux armures lourdes, aux capes rouges et aux avancées en rangs serrés, ces derniers répondaient par des hordes de guerriers sans pitié, féroces, en peaux de bêtes et issues de clans à l’alliance souvent précaire. Leurs terres, leur climat, leurs coutumes, leurs cultes…. Et même des créatures terrifiantes envoyés par leurs dieux à l’issue de quelques sacrifices. Créateur de l’univers des Stryges et auteur particulièrement prolifique (ne comptez pas les albums, c’est vertigineux), Corbeyran s’appuie solidement sur le cadre historique connu, sur les quelques connaissances persistantes autour des us et coutumes des peuples de Caledonie pour composer une ode guerrière dans laquelle le mystère et la magie trouve aisément leur place. Idéal pour souligner la terreur que cet opposant pouvait provoquer dans les rangs romains, en cette époque où les mythes et dieux n’étaient jamais très loin des frasques humaines.

Freeeeedom !

Il invite aussi le lecteur à une rencontre plus prosaïque, entre Lucius, commandant de la IX Légion et Leta, princesse des Galam, capturée pendant une bataille. Son caractère inflexible, sa morgue, sa stature noble n’est pas loin de troubler le centurion, mais elle reste surtout l’enjeu d’une tentative de résolution diplomatique pour ce dernier… sur fond de prise d’otage. Deux personnages accrocheurs dans une relation tendue où l’on ne sait jamais s’ils vont se sauter à la gorge ou s’étreindre sauvagement, qui donne un peu de passion à cet album essentiellement guerrier et souvent épique. De quoi se laisser emporter par la force et la fougue du récit, mais malgré quelques rares doubles pages très démonstratives et une reconstitution tout à fait solide et convaincante, le travail de l’illustrateur Emmanuel Despujol (Le Dixième peuple, Sideshow…) parait souvent en décalage avec la direction du récit : les visages des personnages semblent trop doux, les matières trop délicates, les monstres qui attaquent le camp la nuit trop ronds et définis et la colorisation numérique aux reflets vaguement acrylique tranchent avec un univers qui aurait nécessité plus d’impulsivité et une colorisation directe et franche.

Annoncée en trois albums, cette proposition de fresque fait preuve d’une certaine originalité en s’intéressant à une période rarement décrite en BD, en particulier en incluant certaines croyances directement dans le récit, mais ne semble pas totalement aller au bout de sa logique, offrant entre autres des planches presque trop sages, là où les scots se seraient certainement plus sentis à leur place dans un travail plus brut.