BRIAR : LA REBELLE AU BOIS DORMANT T.1
Briar #1-4 – Etats-Unis – 2022/2023
Genre : Fantasy
Dessinateur : German Garcia
Scénariste : Christopher Cantwell
Nombre de pages : 120 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 17 mai 2024
LE PITCH
Cent ans après être tombée dans un profond sommeil, Briar Rose s’éveille, et découvre avec effroi qu’en son absence, son ancien époux tyrannique a laissé leur royaume sombrer dans la misère et le chaos. Accablée par les trahisons, les lourdes prophéties, et un corps meurtri, Briar et sa bande de marginaux devront trouver la force de survivre sur ces terres désolées où la magie se meurt. Guidés par un ardent désir de vengeance, Briar et son peuple finiront-t-ils seulement par trouver la paix et à vivre heureux ?
Waaaake up !
A partir des années 2020 les braves conte de fée bien misogynes et les gentilles princesses qui ne rêvent que d’un doux baiser et qu’un bellâtre viennent les sauver de leur ennui, c’est fini. Et Briard n’est plus que belle, elle est aussi rebelle !
Y en a marre des contes de fée, de leurs jolies princesses et de leurs gentils princes, de leurs méchants tout trouvés et de leurs morales portées en bandoulière et d’un autre âge. Et surtout le réveil peut parfois être sacrément douloureux. Une bonne gueule de bois comme celle de Briar, plus connue sous l’appellation de La Belle au bois dormant, qui ouvre les yeux près de 100 trop tard, son fiancé ayant préféré l’épouser en l’état pour aller convoler tranquille à la guerre avec beau-papa. Rachitique, la peau tirée et les traits asséchés, l’ancienne douce demoiselle découvre un royaume tombé en ruine, devenu dangereux, décadent et cachant des dangers dans chaque buisson. Sa première vision restant le cadavre d’un pauvre soldat suivi par l’attaque d’un rat géant… dont la peau lui servira finalement de cape. Auteur sur Doom, Star trek Defiant, Angel ou The Blue Flame, Christopher Cantwell déplace la demoiselle des anciens chants joyeux et colorés, jusqu’au monde beaucoup moins radieux d’une heroic fantasy violente et cruelle, où tous les peuples s’étripent autant que s’insultent copieusement à la moindre occasion.
#meetoofairytales
Il réussit surtout à développer considérablement le pitch initial en donnant à la belle au bois dormant un caractère beaucoup plus revêche qu’attendu, reprenant du poil de la bête et entendant bien se venger d’une marraine la fée machiavélique, mais aussi pourquoi pas d’un système patriarcal s’étant empressé de la reléguer au rang d’ornement. Il y a ici la notion d’une nouvelle génération – elle sera vite rejointe par une norroise (peuple de guerrier à la peau bleue) et un apprenti sorcier frêle martyrisé par les sorcières des marais – prête à reprendre en main un monde aussi arriéré qu’exsangue. Même si la rencontre un peu plus tardive avec un vieil héros invisible revenu sous la forme de squelette particulièrement bavard pourrait donner à cette folle quête des petits airs de Magicien d’Oz bien sombre, Briar dote habilement son récit Fantasy de parallèles contemporains discrets, mais bel et bien là. Surprenant et plutôt prenant, Briar est alors moins une nouvelle adaptation stricto sensus de La Belle au bois dormant, qu’un détournement de nombreuses figures de contes (Peau d’âne, Blanche neige…) en forme de reconquête générationnelle. Étonnement encore très peu connu par chez nous malgré une première partie de carrière espagnole fructueuse et quelques passages du coté des comics depuis le début des années 2000 (Immortal Hulk, Action Comics, Young Justice…), German Garcia fait ici exploser tout son talent. Après une poignée de premières pages joyeuses et aux couleurs solaires, il embraye rapidement sur des planches qui rappellent fortement les meilleurs passages de l’ancienne série Fables, déployant un univers à la fois reconnaissable et unique, des personnages semi-réalistes mais aux contours incarnés et presque doux, renvoyant beaucoup à l’école européenne (et en particulier espagnole comme Carlos Giménez).
Une très belle prestation, épique, un poil trash, et irrévérencieuse, qui méritait effectivement bien une édition française au format album franco-belge, plus adéquate pour profiter de tous ces détails visuels, d’un découpage bien senti (les pleines pages sont splendides) … et même des couvertures alternatives du génial Yanick Paquette.