BOB MORANE T.1 : LES 100 DÉMONS DE L’OMBRE JAUNE
France – 2021
Genre : Aventure
Scénariste : Christophe Bec, Éric Corbeyran
Illustrateur : Paolo Grella
Editeur : Soleil Editions
Pages : 56 pages
Date de Sortie : 01 août 2021
LE PITCH
- En pleine guérilla entre le Viet-Minh et les forces françaises, Bob Morane et Bill Ballantine sont parachutés en compagnie de soldats d’élite au nord de l’Indochine. Leur mission est d’aider les troupes françaises à combattre les sympathisants d’Ho Chi Minh, ces derniers s’acharnant à vouloir mettre les français à la porte de leur pays pour en reprendre le contrôle.
Échappé de la vallée infernale
Si dans le monde l’aventure porte le nom d’Indiana Jones, en France ce fut longtemps celui de Bob Morane, le vrai héros de tous les temps, protagoniste glorieux de plus cent romans et presque autant d’albums BD auxquels vient s’ajouter aujourd’hui une résurrection très attendue… en particulier pour le scénariste Christophe Bec.
Auteur prolifique, stakhanoviste, dans le petit monde parfois étriqué de la BD franco-belge, Christophe Bec aime alterner les genres, voir les mélanger, mais aussi se confronter à quelques icones populaires. Si on attend toujours son album de Conan (repoussé à janvier 2022), sa réinterprétions solide de Tarzan montre une compréhension totale de ces littératures pulp d’autrefois, de leur mélange d’aventures feuilletonesque teintées de brutalité, de sauvagerie et de grandes porosités avec le surnaturel, le fantastique. A ce titre l’intérêt que porte l’auteur à Bob Morane depuis son enfance (son premier album acheté fut L’Empreinte du Crapaud dessiné par William Vance) semble des plus naturels, tout comme sa volonté de lui offrir une nouvelle série en albums. Un projet de longue haleine cependant, entamé voici dix ans au sein de la maison Le Lombard, pour une première version abandonnée et transformée plus tard en Lancaster finalement publié par Glénat. La seconde tentative ne sera pas plus chanceuse, Christophe Bec n’étant pas vraiment emballé par l’idée d’un reboot qui se fera finalement sans lui sous le titre de Bob Morane Renaissance. D’autres se seraient épuisés depuis longtemps.
L’aventurier contre tous guerriers
La voici pourtant, chez Soleil, cette nouvelle version de Bob Morane coécrite avec le camarade Eric Corbeyran, lui aussi champion de la productivité et de l’imagination (la saga des Stryge, Zodiaque, Elfes, Pavillon noir…), qui s’inscrit d’emblée dans une volonté de préserver l’univers et la nature même des récits de son créateur Henri Vernes. Sans reprendre la numérotation officielle, Les 100 Démons de l’Ombre Jaune ne s’engouffre pas dans le reboot facile, préférant s’insinuer naturellement dans la continuité du canon. L’ombre jaune est forcément de retour, l’acolyte bourrin et blagueur Bill Ballantine répond présent, mais c’est surtout le sentiment d’aventure qui étreint immédiatement le lecteur, entraîné dans une succession de péripéties, de révélations et d’ingrédients aussi fantastiques qu’improbables. En pleine guerre d’Indochine, Bob Morane découvre ainsi une armée de guerrières clonées, premier pas vers une quête qui va le diriger vers un culte ancien, un ennemi aussi célèbre que lui et… des extraterrestres. Profitant d’un contexte historique très marqué, les deux scénaristes se permettent autant d’outrance et de liberté, voir plus encore qu’Henri Vernes, mariant avec entrain pulp et une bonne dose d’horreur SF directement empruntée à Alien. Un album qui se lit d’une traite. Se déguste même devrait-on dire lorsqu’on s’intéresse aux planches de Paolo Grella, artiste italien qui nous avait enthousiasmé au cours des trois tomes de Galkiddek. Tout comme l’écriture, le difficile exercice est ici de retrouver une juste mesure entre le respect d’une certaine tradition graphique, et une réappropriation du matériau, et l’illustrateur s’en sort à merveille. Ses personnages sont immédiatement reconnaissables (voir même combinés pour certains avec quelques traits d’acteurs bien célèbres), le découpage constamment dynamique et emporté par l’action, mais ce sont surtout ses décors qui laissent la plus forte impression. Manifestement travaillés en couleur direct, avec un rendu peinture vibrant et atmosphérique, ces derniers s’approchent bien souvent des sensations du maître William Vance et ce petit quelque chose des couvertures des premières éditions des romans.
Entre déférence et modernité Bob Morane surgit, toujours, face au vent.