BLACKING OUT
États-Unis – 2020
Genre : Thriller
Scénariste : Chip Mosher
Illustrateur : Peter Krause
Éditeur : Delcourt
Pages : 72 pages
Date de Sortie : 29 juin 2022
LE PITCH
Tout en luttant contre son alcoolisme, Conrad – ex-flic – ne dispose que d’un seul maigre indice pour élucider la mort de la jeune Karen Littleton dont le corps a été retrouvé calciné dans une petite ville de Californie.
Sans lumières
Création kickstarté par l’auteur de Left on Mission et l’illustrateur d’Irrécupérable, Baking Out se veut un roman graphique noir, remuant tout ce que ce genre purement américain peut avoir de poisseux, mais proposé dans un format large, franco-belge. Intriguant.
Responsable marketing chez Boom ! Studios et directeur des créations chez ComiXology, Chip Mosher, accessoirement scénariste à ses heures creuse, est tombé amoureux du format franco-belge lors de sa visite au festival d’Angoulême. Des planches plus amples et une pagination plus réduite, pour une narration qui se doit d’aller à l’essentiel tout en travaillant une grammaire moins resserrée. De quoi imposer plus facilement une atmosphère opaque, et conter le récit plus généreusement par l’image. Bien connu en France pour sa prestation sur la saga Irrécupérable, mais aussi croisé sur The Power of Shazam et une bonne poignée d’épisodes de Star Trek The Next Generation, Peter Krause tire d’ailleurs son trait vers une ligne plus épurée, toujours marquée par un certain réalisme contemporain, accompagné par une colorisation tranchée de Giula Brusco. Idéal pour retranscrire la nature des personnages, les émotions qui les travaillent et les vérités qui peuvent s’échapper de leurs regards, son style manque cependant d’un peu de présence dans les arrières plans, un peu vides et marqués par des aplats numériques un peu lourds. Le grand format sert aussi parfois de loupe grossissante…
My Town
Cela dit c’est un peu le rôle de Conrad, protagoniste central de Blacking Out, anti-héros et ex-flic de polar noir, qui revient dans sa ville un an après avoir été limogé pour avoir pris son poste en état d’ébriété. Entre temps celle-ci a connu un incendie dévastateur et un meurtre dont le procès doit se tenir dans quelques jours. Engagé par l’avocat du père de la jeune victime, accusé du meurtre de sa fille, Conrad replonge donc à la fois dans son passé, mais aussi dans les petits secrets sordides d’un patelin qu’il connait par cœur. Comme tout exercice de ce genre, c’est aussi l’histoire d’une rédemption, dont on espère qu’elle sera possible. Chip Mosher manie à la perfection tous les codes du roman noir américain, même s’il va parfois un peu vite en besogne (la belle brune rencontrée un soir de beuverie et qui devient immédiatement l’ange salvateur), et distille une enquête particulièrement prenante et savamment orchestrée, où finalement les vieux démons finissent toujours par avoir le dessus. Récit sans retour possible, Blacking Out repose surtout sur sa faculté à constamment entrainer le lecteur sur un terrain qu’il pensait connaitre par cœur, avec en particulier un twist final aussi terrible que destructeur. Une note de désespoir final qui teinte rétroactivement tout l’album d’un noir abyssal et achève sa trajectoire dans les flammes infernales.