BIZARRE ADVENTURE DE HIROHIKO ARAKI
Magical B.T., Gorgeous Irene, Baoh, Under Execution Under Jailbreak – Japon – 1982 / 1999
Genre : Fantastique
Scénariste : Hirohiko Araki
Illustrateur : Hirohiko Araki
Éditeur : Delcourt / Tonkam
Pages : 1080 pages
Date de Sortie : 20 avril 2022
LE PITCH
4 récits : Magical BT sa première œuvre qui raconte l’histoire d’un garçon amoureux de la magie qui vit avec sa grand-mère. Baoh tire son nom d’un mystérieux parasite qui rend Ikuro Hashizawa, immortel et capable de se transformer en une créature invincible. Under Execution, un recueil de 4 histoires et Gorgeous Irene, rassemble plusieurs épisodes de la belle tueuse professionnelle Irène.
Visual Tendencies
Hirohiko Araki est une nouvelle fois à l’honneur chez Delcourt / Tonkam avec un superbe coffret regroupant l’intégralité de ses « autres » créations. Des œuvres de jeunesses, son premier succès Baoh, des exercices de styles anciens ou récents… Un excellent moyen d’observer la naissance et la maturation d’un artiste du manga.
Véritable œuvre culte dépassant largement la centaine de tomes et découpées, pour l’instant, en pas moins de neuf saisons, la longue saga familiale Jojo’s Bizarre Adventure occupe depuis maintenant trente-cinq ans la carrière et la vie de son créateur, Hirohiko Araki. Un mélange d’action débridé, d’aventure, de magie et de mode qui croise allègrement les genres, les atmosphères, mais qui peut aussi faire oublier qu’il y a eu un avant (et même un pendant) Jojo. Une première partie de carrière que regroupe généreusement le coffret aujourd’hui édité par Delcourt / Tonkam, dans un format plus large que le commun des mangas, sous la forme de quatre volumes regroupés dans un boitier dur avec illustrations de couvertures inédites, planches restaurées et pages couleurs. Un véritable trésor pour les amateurs du mangaka qui vont pouvoir découvrir ses premiers pas professionnels au sein de la rédaction de Weekly Shōnen Jump avec deux étonnants récits de western Poker Armé et Outlaw Man (pour le coup pour celui-ci les planches originales ont disparu) rendant naturellement hommage à un genre adulé (et à Orson Welles) mais déjà avec un certain sens de l’atmosphère, du découpage et surtout du suspens. Une quête narrative plus creusée encore dans le thriller spatial Dis Bonjours à Virginia, huis-clos entre deux hommes d’équipage et un étrange terroriste. On y observe aussi surtout un dessinateur encore très changeant, assez rond, presque classique dans son trait et qui va entamer sa radicalisation du trait avec B.T. L’enfant diabolique puis sa première mini-série Magical B.T. créant un étrange jeune héros cérébral, calculateur, légèrement magicien et détective du quotidien tout à tour face à des camarades de classes persécutant les autres, des kidnappeurs en costumes SS ou une famille de pique-assiette parasite, mais n’optant pas pour la résolution la plus pacifiste.
« Baoh Armed Phenomenon »
On est loin ici des personnages positifs et solaires habituels de la fameuse revue et l’on sent déjà poindre cette étrangeté particulière d’Araki, son sens du décalage, autant que son attrait pour les postures improbables et les fioritures stylistiques (carreaux, triangles, lignes marquées…). Mais son premier vrai succès éditorial, le fameux Baoh qui connut même une adaptation animée, s’avère l’opposé de ce titre, s’engouffrant plus facilement dans le manga d’action, mâtiné de science-fiction, de super-héros et de délicate romance impossible. Le récit d’une jeune fille aux pouvoirs télékinésique, et de son protecteur Ikurô transformé en arme vivante par une inquiétante organisation gouvernementale. Un décorum postapocalyptique, une bonne dose de Terminator et autres séries B américaine et surtout un dessin qui glisse encore très fréquemment vers les masses et les visages carnassier de Go Nagai, Baoh joue la carte du blockbuster manga, ultra bourrin, parfois excessivement gore, manichéen mais terriblement efficace et spectaculaire. C’est finalement plutôt avec les deux petits chapitres de Gorgeous Irene, et sa tueuse aux airs juvéniles et candides mais capable de se transformer en tueuse implacable grâce à ses multiples maquillages, qu’Hirohiko Araki prend véritablement la route du graphisme de son futur Jojo’s Bizarre Adventure, multipliant les danses et gymnastiques corporelles à la fois sensuelles, gratuites et toujours limites ridicules, autant que les derniers échos de la mode 80’s, le tout dans un environnement qui n’est pas loin de rappeler un certain Ken Le survivant (en particulier la géante tortionnaire armée de sa tronçonneuse).
Comme l’auteur l’évoque lui-même dans chacune de ses petites postfaces, c’est finalement une longue période où ce dernier se cherche, expérimente, revient en arrière et tente de trouver sa propre identité visuelle, autant qu’une œuvre suffisamment riche pour s’étoffer sur le long terme. Constituant le quatrième volume de l’objet, Under Exécution Under Jailbreak, sont des courts récits beaucoup plus récents, ne relevant justement plus de cette quête personnelle, mais véritablement de commandes et de petits exercices de style où le trait a magnifiquement muri tout autant que la maitrise du découpage, de la mise en place du suspens. Comme le prouvent l’histoire d’ouverture et qui donne son titre à l’album, où un prisonnier subit un petit jeu sadique digne d’un épisode de la Quatrième dimension ou le délirant Dolce, affrontement entre un jeune homme et un chat sur un navire échoué et harcelé par des requins. Et petite surprise pour les fans de Jojo, l’objet s’achève même par deux récits concernant le tueur en série Yoshikage Kira, ancien antagoniste de la quatrième partie de la saga, devenu fantôme et enquêteur au service d’une mystérieuse bonze.
Un coffret particulièrement riche, qui traverse toutes les phases stylistique d’Hirohiko Araki et qui donne furieusement envie de voir débarquer une intégrale des Jojo’s au même format. Un doux rêve.