BESTIA VOL.1
France – 2025
Genre : Science-fiction, Action
Dessinateur : Corc
Scénariste : Corc
Nombre de pages : 224 pages
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Date de sortie : 02 janvier 2025
LE PITCH
Dans une jungle urbaine tentaculaire, des monstres gigantesques sèment la mort et la destruction sur leur passage : les Bestia. Jacquie, une jeune chasseuse solitaire aidée de Kevyn, un jeune homme bricoleur et débrouillard, traque sans répit une bestia aussi impressionnante qu’insaisissable, celle de la cité de Cécropias. Sa quête effrénée l’amènera à fouiller les recoins les plus sombres de la ville mais aussi ceux de son passé.
Safari
En France aussi l’esprit « kaiju » fait son petit chemin. La preuve avec Bestia, premier album signé Corc fortement inspiré par l’esthétique et l’efficacité du manga. Mais heureusement les monstres ne s’y contentent pas de singer le grand Godzilla.
On ne saura sans doute jamais exactement où se situe Bestia, récit aux airs post-apocalyptique mais pas si futuriste que cela, qui impose surtout en quelques pages son décors urbain massif et omniprésent. La ville a manifestement fini de digérer ce qui restait d’espace terrien, effaçant visiblement toutes traces de nature ou d’horizon, imposant ses structures droites et grisâtres faites de bétons, de câbles et de bitume. Tout en noir et blanc, Croc est particulièrement habile pour décrire cette étrange banlieue, ou cité dortoir, sans fin, semblant bien moins échappée d’un avenir lointain que d’une simple visite du 9.3 ou des contours oubliés de Marseille. Un peu hors du temps, cette nouvelle jungle urbaine est le théâtre de multiples attaques de créatures gigantesques, détruisant tout sur leur passage : les Bestia. Mais loin là aussi d’être les monstres destructeurs attendus, mi-lézard ou mi-alien, ils ne sont que des versions titanesques de véritable animaux sauvages, ici un sanglier ou là une hyène. Leur origine et leur nature est pour le lecteur encore bien mystérieuse mais l’auteur joue très logiquement sur le contraste entre ces visions survivantes d’un monde que l’on imagine disparu et une modernité littéralement dévorante.
Monde sauvage
C’est là qu’intervient une jeune « traçaire » en mission pour éliminer la Bestia des Cécropias (du nom du quartier où elle sévit) autant par devoir que par vengeance personnelle, arpentant le haut des immeubles équipée de ses capacités surdéveloppées et de son équipement high-tech. Une simple panne de carburant, et la voilà obligée de descendre plus bas, de faire connaissance avec le très enthousiaste, et débrouillard, Kevyn et certainement, malgré sa mine renfrognée, de se poser quelques questions. Avec son duo disparate mais équilibré, Croc ajoute une belle dose d’humanité à son récit le plus souvent tourné vers l’action et les découvertes successives, se permettant alors de révéler progressivement quelques éléments de son univers tout en développant une amitié touchante, joliment brossée entre les péripéties et les petites caricatures expressives de manga. Si dans les grandes lignes Bestia est encore très habité par ses références et ses hommages, ce premier tome réussit cependant à distiller de vraies petites notes plus originales, une optique plus personnelle, entrainant la traque vers un récit que l’on perçoit plus mystique, plus onirique (la question du rêve devient très présente dans le dernier chapitre) avec une réflexion écologiste, entre autres, qui s’ouvre grand devant lui. Une certaine richesse toujours servie par un noir et blanc tramé bien maitrisé et un découpage toujours précis et percutant qui insuffle une énergie constante à la lecture.
Encore une belle découverte donc pour Les Humanoïdes Associés avec Bestia, révélation d’une nouvelle signature très intéressante pour la BD hexagonale, mariant avec naturel les contours mangas et franco-belges, la grandiloquence du récit de « monstres géants » et l’aventure plus proche du sol.