BÊLIT & VALERIA : ACIER CONTRE MAGIE
Bêlit & Valeria : Sword vs Sorcery #1-5 – Etats-Unis – 2022
Genre : Heroic Fantasy, Action
Dessinateur : Rodney Buchemi
Scénariste : Max Bemis
Nombre de pages : 144 pages
Éditeur : Graph Zeppelin
Date de sortie : 17 juillet 2024
LE PITCH
Bêlit, à la tête d’un navire, est en quête d’aventures et de réponses à ses tourments. Elle trouvera parmi ses prisonnières une alliée tout aussi belle et dangereuse qu’elle : Valeria.
Les usurpatrices
L’ère hyperboréen est vaste et mystérieuse, et de nombreux contours en sont encore inexplorée, car non l’univers crée par Robert E. Howard ne s’arrête pas à Conan et d’autres héros sont prêts à prendre le flambeau. Des héroïnes en l’occurrence, Bêlit et Valerie, figures secondaires du canon littéraire qui prennent leur indépendance dans un comics plein de feu, de sang, de magie, de sexe… et de palabres.
Si Red Sonja est aujourd’hui considérée comme le pendant féminin de Conan, tout aussi puissante, indépendante et affirmée que lui, elle n’était dans les mots de Robert E. Howard qu’un personnage issue d’une autre chronologie largement revisitée pour les comics à l’époque de Marvel. Bêlit et Valeria elles, sont bel et bien apparues dans les pages des nouvelles de Conan et pas les moins connues : La première était la fameuse Reine des côtes noires qui terrorisaient les mers du sud, et la seconde l’héroïne de l’incontournable Les Clous rouges, elles même capitaine pirate, largement transformée en guerrière romantique dans le long métrage de John Millius. Leur autre point commun est bien entendu d’avoir partagé la couche du célèbre cimmérien. Profitant d’une petite faille légale dans les droits entourant ces deux noms, l’éditeur indépendant Ablaze a donc édité une minisérie de 5 fascicules les réunissant toutes deux dans la même aventure. L’une vient de renaitre au fond des océans, l’autre était recherchée par un riche marchand qui rêvait d’elle comme esclave sexuelle (ça se comprend), et toutes deux malgré leurs rapports de force et de séduction évidents, leurs besoins de domination autant à coup de langues que de sabres, vont assez rapidement devenir alliées. Deux femmes fortes, hautement sexy, mortelles et fortes en gueules qui se retrouvent au cœur d’une vaste bataille entre le bien et le mal, échos d’un lointain massacre ayant eu lieu au royaume des dieux.
Les flibustières
Les premiers épisodes sont ainsi pleins de promesses mettant en avant une épopée barbare décomplexée ultra violente, bourrée d’humour en dessous de la ceinture, faite de batailles navales, de membres tranchés, de massacres de magiciens lubriques et d’orgies sexuelles affirmant totalement le comic comme une publication pour adulte. Une orientation fermement appuyée par les planches musclées de Rodney Buchemi (Kiss : Blood and Stardust, Incredible Hercules…) soulignant le moindre muscle saillant, se vautrant dans les effets gores, les poses sauvages et cajolant la sensualité des corps sculptés de nos demoiselles. Un coté grosse artillerie plutôt plaisant mais qui souffre clairement des ambitions démesurées de son scénarise Max Bemis (Moon Knight, Evil Empire, Heavy…) qui veut absolument mélanger la vulgarité de nos personnages (ça parle vraiment beaucoup de cul) avec des aspirations pseudo-littéraires. Ça parle beaucoup tout court, souvent de manière curieusement ampoulée, et ce coté prolixe accompagne un changement d’échelle qui apparait vraiment à partir du troisième chapitre avec un affrontement entre les dieux (en gros Crom qui ravage tout sur son passage) qui devient le reflet assez lourdaud (et parfois bien nébuleux) d’une instrumentalisation et d’un asservissement des femmes à travers les âges. Une métaphore explicitée en long, en large et en travers, qui amoindrit drastiquement le fun premier et ironiquement transforme nos deux féministes à la présence naturelle et à l’humour rentre-dedans, en instruments du destin beaucoup moins maitresse d’elle-même et finalement de leur corps.
Dommage, les deux dames méritaient certainement mieux et n’avaient effectivement pas franchement d’aide pour montrer ce que pouvait donner des femmes qui imposent leur volonté, leurs choix, leur sauvagerie et les désirs.