BATMAN CHRONICLES 1988 VOL.1
Batman# 415-429 + Batman Annual #12 + Killing Joke + Batgirl Special #1 – Etats-Unis – 1988
Genre : Super-héros
Dessinateur : Brian Bolland, Jim Aparo, Barry Kitson
Scénariste : Alan Moore, Jim Starlin, Barbara Randall Kesel
Nombre de pages : 576 pages
Distributeur : Urban Comics
Date de sortie : 13 janvier 2023
LE PITCH
La collection DC CHRONICLES rassemble dans l’ordre chronologique de leur publication l’ensemble des séries propres à un personnage, enrichis de récits complets marquants. Ces albums sont enrichis de textes éditoriaux recontextualisant les épisodes, de commentaires des éditeurs, ainsi que d’extraits de courrier des lecteurs de l’époque.
L’année de tous les dangers
Troisième volet de la nouvelle collection intégrale d’Urban Comics dédiée aux titres Batman et premier consacré à la fructueuse année 1988. Un premier détour du coté des pages de la série centrale où Jim Starlin et Jim Aparo entrainent le héros de Gotham et son jeune pupille vers une tragédie annoncée. L’univers de Bruce Wayne n’en serra que plus sombre.
Si lors de son arrivée aux commandes des publications estampillées Batman Denis O’Neill a immédiatement pu insuffler une certaine forme de retour aux sources au personnage ténébreux, inquiétant et solitaire, il restait encore et toujours en suspens la question de Robin. Le sidekick bondissant, juvénile et joyeux, incarnée par Jason Todd aux lendemains du « reboot » Crisis on Infinite Earths. Si déjà le personnage pouvait sembler quelques peu anecdotique dans un univers de comics se tournant résolument vers une ère dépressive, son identité même plus historique en faisait alors une cible de choix pour le rejet de certains lecteurs et de nombreux scénaristes parmi lesquels Jim Starlin. Surtout connus pour ses épopées cosmiques chez Marvel comme La Mort de Captain Marvel ou La Quête de Thanos (ses deux chefs d’œuvres), il ramène pourtant rapidement Batman vers une réalité des plus drastiques. Il écarte ainsi consciemment le cheptel de vilains bigarrés qu’il laisse aux collègues de Detective Comics, et s’intéresse plus que jamais à la criminalité contemporaine : voleurs, braqueurs, mafieux, mais aussi serial killer, violeurs scrutant au passage et avec beaucoup de lucidité les limites de la justice et de l’action de Batman. Il distille aussi tout au long de ses épisodes des éléments géopolitiques assez inédits dont une longue et sanglante traque après un terroriste envoyé par l’ennemi russes, KGBeast dans les quatre épisodes qui formeront Batman : Ten Nights of the Beast. Bien entendu une telle orientation n’aurait pas été possible sans la voie ouverte par le mythique Batman Year One de Miller et Mazzucchelli, et c’est à nouveau un récit assez unique qui va permettre d’enfoncer le clou : The Killing Joke.
Comme un oiseau sur la branche
Un récit longtemps attendu par l’illustrateur génial Brian Bolland et abordé comme une simple commande par le tout aussi imposant Alan Moore, The Killing Joke publié ici dans sa première coloration bien flashy (et bien plus folle), syncrétise en quelques pages l’éternel affrontement entre le Batman et le Joker, entrainant tout l’univers du justicier dans une folie furieuse et une violence totalement inédite. La publication Batman la plus rééditée à travers les années, et la plus discutée aussi autant pour sa symbolique que pour le destin terrible de la pauvre Barbara Gordon qui en sortira tétraplégique et traumatisée à vie. La vanne est ouverte à fond et finalement plus ou moins intégrée à la chronologie officielle, la graphic novel finit de convaincre Starlin et son éditeur en chef de mettre la vie de Robin dans la balance. Loin de se focaliser uniquement sur les quatre épisodes assez délirants de A Death in the Family menant, à l’issue d’un vote des lecteurs, à la mort brutale et choquante du Boy Wonder, ils vont ainsi graduellement montrer la perdition de Jason Todd, ses dérives de plus en plus marquées avec la morale et les codes de Bruce Wayne jusqu’à commettre, volontairement ou non, l’irréparable. Passionnants, ces épisodes témoignent clairement de l’excellente qualité de la production Batman en cette année 1988, mais aussi de l’excellence du travail du scénariste Jim Starlin, souvent éclipsé dans les mémoires par les guest comme Moore et Miller, ici le plus souvent parfaitement accompagné par Jim Aparo, artiste classique mais on ne peut plus solide qui avait déjà largement fait ses preuves sur cet univers dans les années 70.
Cerises sur le gâteau, l’imposant volume propose aussi un épisode de Suicide Squad ou Batman s’offre un sacré face-à-face avec la despotique (et un peu effrayante) Amanda Waller et un numéro spécial dédié à Batgirl, replaçant joliment, et avec un angle féministe plutôt pertinent, la super-héroïne dans l’échiquier de Gotham juste avant les sévices concoctés dans The Killing Joke.
Marquante sur tous les points, l’année 1988 n’a même pas dit son dernier mot puisqu’en plus de proposer l’intégrale des fascicules de la revue Detective Comics, le second volume comportera en outre l’autre minisérie évènement, l’horrifique The Cult de Jim Starlin, encore, et illustrée par Bernie Wrightson. Un excellent cru qui se bonifie avec les années.