BATMAN / SPAWN 1994 & BATMAN / SPAWN
1994 Spawn/Batman + Batman/Spawn: War Devil / 2022 Batman/Spawn + Batman/Spawn NB VO + Batman/Spawn Pencil Unplugged – Etats-Unis – 1994, 2022
Genre : Super-Héros, Action
Dessinateur : Todd McFarlane, Klaus Janson, Greg Capullo
Scénariste : Frank Miller, Todd McFarlane
Nombre de pages : 168 et 176 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 10 novembre 2023
LE PITCH
Un mal ancien est revenu à Gotham City. La dernière fois qu’il est apparu, une colonie entière a été rayée de la surface de la Terre, ne laissant qu’un seul indice : Croatoan. Qui que soit Croatoan, il faudra tout le talent d’enquêteur de Batman et les capacités surnaturelles d’un ancien soldat devenu Hellspawn pour sauver les citoyens de Gotham de l’enfer qui est sur le point de se déchaîner sur notre monde.
Fortes têtes
Le crossover inter-maison n’est pas une chose rare dans les comics et d’ailleurs Batman et Spawn n’en sont certainement pas à leur première virée nocturne en commun. A l’occasion d’un nouveau comic évènement sorti l’année dernière publié désormais en français, Urban Comics en profite pour rééditer les deux premiers essais parus eux en 1994. Et en presque trente ans, la méthode n’a pas tant changé que cela.
Les liens entre Batman et Spawn sont multiples. Que ce soit dans leur look général, leurs références réciproques aux romans noirs ou au cinéma d’horreur, ou leur psychologie torturée… pour ne pas dire hantée. Surtout les connections thématiques et esthétiques ont amené les auteurs et artistes à passer parfois assez aisément de l’un à l’autre. Figure de proue de l’éditeur DC en ce début des années 90 et icône du renouveau made in Image Comics, Batman et Spawn furent donc les stars en 1994 d’une double publication. Un accord entre les deux maisons est donc signé, chacun proposant sa propre vision de la rencontre. Chez DC se sera donc plus ou moins l’équipe éditoriale du moment avec à l’écriture le trio Doug Moench, Chuck Dixon, Alan Grant et surtout Klaus Janson aux dessins, qui évoquent dans les rues de Gotham le retour d’un démon qui veut dévorer les âmes de la ville. Quelques bribes liées au passé d’assassin d’Al Simmons, une bonne dose de satanisme, et le tour et joué, les deux dark heroes faisant rapidement alliances (après quelques bourre-pif) pour sauver le monde. Efficace, carré, subliment mis en image, War Devil fait largement le taf. Un peu trop classique sans doute il faut l’avouer à coté de la prestation réunissant Todd McFarlane, le créateur de Spawn, aux illustrations et surtout l’excellent Frank Miller au script. Ni plus ni moins que l’auteur de Batman Year One et The Dark Knight Return et l’ancien illustrateur de Batman Year Two qui s’allient (une seconde fois après un excellent récit consacré au serial killer Kincaid dans les pages de la série Spawn) pour accoucher d’une énorme série B ultra burnée et totalement décomplexé. Un buddy-movie où les deux personnages se mettent méchamment sur la tronche, combattent des clodos transformés en robots géants et évitent à une bombe nucléaire d’exploser en plein New York. Vaste programme, bien dosé en action, en humour avec tous les débordements que les 90’s pouvaient offrir, jusqu’à un coup de Batarang méchamment placé pour une ultime page parfaitement grotesque.
On refait le match
Malgré l’évidente osmose entre ces deux-là, il faudra pourtant attendre jusqu’en 2022 pour qu’il officient de nouveau côte-à-côte. Un nouveau Batman / Spawn qui oublie totalement l’existence des deux premiers et rejoue la carte de la première confrontation avec cette fois un Spawn échappé des événements récents de King Spawn et un Batman hérité du run de Scott Snyder et en particulier de La Cour des hiboux. Rien de vraiment étonnant à cela puisque le dessinateur de cette nouvelle vingtaine de pages n’est nul autre que Greg Capullo justement aux commandes de ces épisodes, mais qui est aussi connu pour avoir été l’héritier le plus éclatant de McFarlane sur Spawn. Inutile de préciser que ce dernier est particulièrement à son aise, déployant tout ses talents pages après pages, croquant les deux personnages avec aisance et déployant un découpage et un encrage qui rehausse admirablement l’atmosphère ténébreuse et méphitique du récit. Impressionnant visuellement, mais assez décevant dans le fond, le récit veut justement supplanter les anciens codes de crossover par une trame beaucoup plus complexe qui joue sur la proximité des deux univers. Là encore Todd McFarlane, pour le coup uniquement scénariste, connait tout ce beau monde sur le bout des doigts, dissémine de nombreux clins d’œil et cadeaux aux lecteurs fans, mais se perd dans son affaire de multiverse et dans des motivations on ne peut plus troubles pour les « cours » et surtout pour une association Joker / Violator qui n’aboutit à pas grand-chose. Plus encore que pour les essais de 94, Batman / Spawn c’est définitivement une affaire de gueule et de démonstration visuelle.
Proposé sous la forme de deux volumes distincts (là où un gros pavé US joue la carte de l’intégrale), les Batman / Spawn de 94 et la cuvée de l’année dernière profitent quoi qu’il advienne de belles éditions avec textes explicatifs pour remettre les comics dans leur contextes, mais avec aussi en bonus l’intégrale de War Devil en version noir et blanc, et l’opus de Capullo en noir et blanc mais aussi dans sa mouture crayonnée.