BATMAN NOCTURNE T.1 : OUVERTURE
Detective comics #1062-1065 + Detective Comics Annual 2022 – États-Unis – 2022
Genre : Super-héros, Fantastique
Dessinateur : Rafael Albuquerque, Dani
Scénariste : Ram V, Simon Spurrier
Nombre de pages : 176 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 07 juillet 2023
LE PITCH
Il y a quelque chose de pourri au royaume de Gotham. Peu importe les épreuves que Bruce surmonte, et les pistes qu’il poursuit, le plus grand détective du monde n’arrive pas à trouver la source de la peur rampante qu’il ressent – comme si ses démons intérieurs s’emballaient et lui annonçaient sa mort imminente. Pendant ce temps, de vrais démons rôdent dans l’ombre et enveloppent la Cité de leurs ténèbres alors qu’une mélodie séculaire hante la nuit de Gotham. Le rideau se lève, la complainte sinistre s’élève… et Batman pourrait cette fois rester à terre.
Oratorio
Changement d’équipe créative aux commandes de Detective Comics et donc nouvelle série d’albums chez Urban Comics avec le bien nommé Batman Nocturne. Un voyage dans le présent trouble et le passé ténébreux de la grande Gotham orchestré tel un opéra baroque par Ram V et Rafael Albuquerque.
Retourner aux sources du mythe de Batman et des liens historiques qui le lient en tant que justicier et descendant des Wayne à la ville qui l’a vu naitre a régulièrement été une petite marotte de nos chers scénaristes post-modernes. D’ailleurs, ce nouveau départ pour la longue publication Detective Comics, souvent consacrée aux « coulisses » des grands évènements batmaniens, s’inscrit très logiquement dans la suite logique du run révolutionnaire de Grant Morrison (auquel il est régulièrement fait référence) et à celui de Scott Snyder et (entre autres) sa cour des hiboux. L’épisode Annuel contenu dans l’album français plonge même directement à la naissance de la ville, alors petite bourgade nommée Gathome, tiraillée entre les valeurs de l’ancien monde, honorable et mystérieux, et le nouveau représenté par le christianisme et les fameuses règles du commerce américain. S’il y est à nouveau question d’un premier vigilante masqué, on y découvre surtout une étrange famille aristocratique qui semble travailler dans l’ombre pour changer le visage des lieux et diriger son évolution. Un évènement fondateur qui aurait totalement conditionné la croissance et l’expansion de Gotham, tout en l’enfermement dans une figure de cycles sans fin. Retour au présent, la famille Orgham prépare son retour dans une cité en état de faiblesse alors que son plus grand défenseur n’est plus aussi efficace qu’il ne l’était.
Les fantômes de l’opéra
Nouvelle étoile montante du comic américain Ram V (These Savage Shores, Toutes les morts de Laila Starr, Justice League Dark…), orchestre à merveille son « ouverture » prenant son temps pour resituer les évènements et les personnages, pour disposer ses pions et les nouveaux dangers que vont devoir affronter Batman, mais travaille aussi et surtout une atmosphère qui avait depuis trop longtemps désertée ces rues : le gothique. De nouveau le monde de Bruce Wayne se peuple d’ombres inquiétantes, les truands se changent en monstres, la folie semble attendre tapie (tout comme l’aura de Barbatos), la solitude étreint notre héros dans une nuit huileuse… L’auteur parsème le tout d’un soupçon de mystique, de sectes secrètes (oui Talia n’est pas loin) et d’un fantastique opaque et primitif. Ram V rejoue la partition de Batman comme un vieux film d’épouvante de la Universal, comme un grand opéra fantomatique et trouve naturellement en Rafael Albuquerque (American Vampire, BPRD Hell on Earth, Blue Beetle..) un illustrateur de choix. Accompagné d’une colorisation atmosphérique toujours impeccable de l’incontournable Dave Stewart, l’illustrateur manie habilement les aspects les plus humains d’un Batman en situation de faiblesse et le décorum grandiose du récit.
Une excellente introduction à un story-arc prometteur qui s’accompagne aussi d’un récit back-up rédigé par Simmon Spurrier (Coda, X-Men Legacy) et dessiné par Dani, qui suit les mésaventures d’un ex-commissaire Gordon qui vit particulièrement mal sa retraite et découvre à son tour des bribes des évènements qui malmènent les rues de la ville. Quelques pages qui rappellent avec plaisir les belles heures de Gotham Central et qui malgré un ton plus polar hard boiled s’intègre efficacement dans le tableau, décidément très réussi.