BAT-MAN : FIRST KNIGHT
The Bat-Man – First Knight #1-3 – Etats-Unis – 2024
Genre : Super-héros
Dessinateur : Mike Perkins
Scénariste : Dan Jurgens
Nombre de pages : 168 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 30 août 2024
LE PITCH
1939, le fascisme monte au lendemain de la Grande Dépression, alors qu’un Batman débutant arpente les rues de Gotham. Enquêtant sur une série de crimes, Batman réalise que chacun de ses suspects est en réalité mort et enterré. Avec pour seul allié James Gordon, enquêteur au GCPD, le Chevalier Noir va devoir lever le voile sur ces « criminels réanimés » et trouver le moyen de les arrêter…
Les nuits les plus noires
La nuit tous les Batmans ne sont pas gris…. Certains sont noirs. Comme celui réimaginé dans cette mini-série en trois chapitres qui retrouve l’ambiance angoissante et les allées sombres du premier Bat-Man de 1939. Un hommage au justicier des origines, mais aussi un roman(graphique) noir teinté d’épouvante au planches impressionnantes.
Il semblerait que les longues oreilles et la cape aux airs d’ailes de chauve-souris soient revenus à la mode. Alors qu’Amazon Prime vient tout juste de mettre à disposition les dix premiers épisodes du nouvel anime The Cape Crusader, DC Comics et dans la foulées Urban nous délivre ce First Knight imaginé clairement dans le même pétri. Celui des premiers chapitres imaginés par Bob Kane et Bill Fingers, mais aussi l’atmosphère très particulière de cette fin des années 30. Ici Gotham n’est pas encore la mégalopole baroque que l’on connait, mais bien une excroissance du Los Angeles corrompu (sauf le commissaire Gordon naturellement) et terriblement dangereux de l’époque, où se croisent les plateaux de tournage, quelques demeures luxueuses (dont celle de Mr Wayne), mais aussi les gangsters mafieux, les cabarets mal famés, les maisons de passe et les bidonvilles rappelant que le pays n’est toujours pas sorti de la terrible dépression. En toile de fond, une situation économique et sociale catastrophique, mais aussi une nouvelle Guerre Mondiale qui s’annonce avec une montée inquiétante des actes antisémites et l’apparition de « la voix » prônant l’idéologie fasciste aux USA et qui prépare un coup d’état dans la cité.
Le retour de la chauve-souris
Une situation explosive approchée par le prolixe Dan Jurgens, grand vétéran des comics œuvrant depuis des années sur Superman, Booster Gold, Thor ou Batman Beyond, comme un polar à la James Ellroy (toutes proportions gardées) où les différentes trames et les angles se croisent et se complètent pour dresser moins une enquête véritablement originale qu’un tableau fouillé et palpitant. C’est qu’en plus, le justicier de la ville, encore appelé Bat-Man n’en est qu’à ses débuts, hésite encore sur la ligne à suivre, ne contrôle pas toujours ses capacités ou sa violence, est physiquement mis à mal et reste isolé, entre la légende urbaine et la cible des forces policières. Bruce Wayne n’est pas forcément mieux loti, esseulé (son majordome l’a quitté il y a longtemps), jusqu’à ce qu’une jolie actrice hollywoodienne, habitué des rôles de femmes fatales, ne frappe à sa porte. Classique, mais toujours habilement écrit, mêlant grande histoires et psychologie éprouvée, sans jamais oublier en cours de route l’esprit pulp des premiers temps, les poursuites dans la nuit, les bagarres aux poings, un sauvetage à bord d’un (bat ?) avion et surtout des hommes de main zombis increvables. Peut-être plus que le roman noir, First Knight ressemble admirablement aux bons vieux serials et ce jusque dans la fibre du tissu du costume aux oreilles de démon. Impossible alors de ne pas louer le travail impressionnant de Mike Perkins (Captain America, Ruse, The Swamp Thing…) au traitement hyper réaliste dans les décors, les costumes, les corps, les visages tous droits tirés des canons de l’époque et les attitudes, mais aussi une mise en page et un traitement des ombres qui n’est jamais loin de l’expressionnisme des années 20/30 impeccablement contenu dans un format 1.33 de cinéma. Splendide.
Un véritable voyage dans le temps, capturant à merveille l’essence du premier Bat-Man, plus sombre, plus violent, plus fragile, plus inquiétant, reflet de temps difficiles mais aussi d’une esthétique stylisée et crépusculaire, entre roman de gare et feuilleton sur grand écran. Une belle réussite et sans doute très rapidement un classique.