AVENIR

France – 2024
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Eliot
Scénariste : Pierre-Roland Saint-Dizier, Pierre Benazech
Nombre de pages : 96 pages
Éditeur : Ankama Editions
Date de sortie : 12 avril 2024
LE PITCH
Dans un futur proche, secoué par une crise économique profonde, l’intelligence artificielle est utilisée pour définir les prédispositions des enfants. Ce procédé mis au point par l’Institut CentrAvenir détermine la voie professionnelle à suivre, ne laissant guère de place aux aspirations personnelles. Quand le jeune Matt est soumis aux tests du programme ScanPsy, le constat est sans appel : il risque de développer des troubles du comportement et doit être placé dans un établissement adapté. Pour le soustraire à un avenir morose et lui permettre de réaliser son rêve de devenir artiste, sa famille va tout tenter. Mais la liberté a un prix qu’ils ne sont peut-être pas prêts à payer…
Enjeux de demain
L’avenir est pavé de bonnes intentions mais de la quête d’un monde parfait peut rapidement naitre le pire. Se déroulant en 2037 dans notre belle France, Avenir explore ainsi une société qui ne jure plus que par le virtuel et les Intelligences Artificielles, quitte à y perdre sa liberté et son identité.
L’album n’est ainsi par un grand récit de science-fiction à très grande échelle, mais plutôt une fable d’anticipation qui se déroulerait plus ou moins juste en bas de chez nous. Cette vision du futur n’en met pas plein la vue mais dispose de manière crédible et solide ses petits changements technologiques (la réalité virtuelle est communément généralisée tout autant que les hologrammes personnels) et surtout sociétaux. On y devine au-delà de quelques dialogues et d’un horizon terriblement gris que les bouleversements climatiques ont durement impacté l’équilibre du pays, mais on observe surtout les terribles glissements d’un système entièrement régit désormais par les préfigurations des IA. Ici le zoom est porté en l’occurrence sur Scanspy, outil utilisé par CentrAvenir, organisme gouvernemental qui teste et oriente les enfants avec une efficacité redoutable. Le piège c’est que le test est devenu plus ou moins obligatoire (ceux qui ne s’y prêtent pas perdent leurs allocations… crédible non ?) et que les gosses qui ne rentrent pas dans les cases (ici Matt, diagnostiqué TDAH) sont envoyés dans des centres de rééducations.
L’avenir est ce qu’on en fait
Scénariste d’albums comme Saint Exupéry Le Seigneur des sables ou Plein Ciel, Pierre-Roland Saint Dizier, et Pierre Benazech déjà auteur d’une pièce de théâtre intitulée Intelligence et bêtise artificielles, se montre particulièrement précis dans leurs explorations d’un déroulements possible. Presque du journaliste de prévisionnel, que ce soit dans le discours officiel relayé par les médias ou la scientifique en chef, ou l’apparition prévisible de militants s’efforçant de mettre en garde la population contre les dangers de ce type de pratique. Un tableau raconté uniquement par le biais d’une famille presque classique, mais où tous sont en partie dépendants des IA, confrontés au problème de manières très personnelles, où les différents points de vue s’opposent, avant qu’un réveil s’opère et que l’entraide finisse par prendre le pas. C’est peut-être dans cette dernière partie que l’album se montre un peu moins convaincant. Entamé comme un thriller dystopique sérieux et solide, pas si loin des polars engagés d’un certain cinéma français, il s’emballe peut-être un peu trop facilement vers un élan optimiste, une rédemption collective s’achevant sur son happy end poétique.
La lecture n’en est pas moins intéressante et particulièrement pertinente, surtout qu’elle nous au passage découvrir le jeune artiste Eliot. Jusque-là surtout illustrateur et coloriste, il signe avec Avenir un premier album au style vibrant, aux atmosphères bien marquées (très beau travail sur les couleurs) qui ne tombe dans aucun cliché de la BD SF préférant constamment mettre en avant l’émotion et l’humain.