Un sujet incontournable et fréquent de la Science-Fiction, et que Jerry Frissen s’efforce dans un premier temps de crédibiliser au maximum. Dans un futur assez proche donc, des spécialistes scientifiques, techniques, militaires, psychologues et un linguiste sont embarqués du jour au lendemain pour une mission qu’ils ne découvrent qu’en chemin dans l’espace : opérer le fameux premier contact avec les Eo’Tark, peuple venu de l’autre bout de l’univers. Le contexte politique et militaire est brièvement posé, le mélange d’excitation et de méfiance bien brossé, mais le récit décolle véritablement lorsque Danko et No’Mi, tous deux ambassadeurs de leurs peuples, commencent à véritablement dialoguer. Deux être aux milieux d’enjeux colossaux, mais qui au-delà de leurs missions se révèlent de plus en plus, se rapprochent jusqu’à s’offrir l’un à l’autre. Un rapprochement qui n’est certainement pas aux goûts de leur hiérarchie mais qui va être, dans un premier temps, toléré. Au-delà des petits mystères dont recèle le scénario sur les motivations de chacun des deux camps et les inévitables révélations qui viendront briser les relations diplomatiques, Attraction est donc bel et bien un album qui parle essentiellement d’amour, de la confiance que s’accordent deux êtres, des sacrifices qu’ils sont prêts à faire pour faire survivre leur relation et les différences qu’ils sont capables de mettre de côté.

De l’espace à la Terre

Jerry Frissen ne parle pas ici que d’exobiophilie, mais aussi naturellement de réalités beaucoup plus humaines et proches de nous. En se racontant l’un l’autre leur parcours, et tout particulièrement en découvrant les souvenirs d’une relation marquante et déchirante de Danko, Attraction illustre le poids que font peser les préjugés, le racisme et la peur du qu’en-dira-t-on sur les histoires les plus simples et les plus pures. Une mise à jour de Roméo et Juliette, croisée à l’espoir communicatif du Premier contact de Denis Villeneuve, où l’illustrateur Roberto Zaghi (la série des Thomas Silane, Le Vent des liberté, Tramp) s’extirpe des contextes contemporains et historiques pour s’échapper vers l’amplitude de la science-fiction. Là aussi ses dessins relativement classiques, mais précis et réalistes, permettent d’affirmer la plongée progressive du récit vers le space opera. Les vaisseaux humains sont crédibles et épurés, la technologie alien beaucoup moins saisissable, mais l’artiste déploie véritablement son talent lorsqu’il esquisse le physique et les attitudes des eotarxiens, l’intérieur de leurs stations, leurs technologies ou les autres créatures qui les accompagnent ou qui sont restés sur leurs planètes. On pourra regretter qu’avec un tel potentiel, Frissen et Zaghi restent définitivement accrochés à une atmosphère relativement feutrée, à des enjeux diplomatiques et à une trame qui s’achève, volontairement, assez abruptement, mais le romantisme et l’humanisme d’Attraction en font une jolie proposition.