ARROWSMITH T.2
Arrowsmith – Behind Enemy Lines #1-6 – Etats-Unis – 2022
Genre : Fantastique, Guerre
Dessinateur : Carlos Pacheco
Scénariste : Kurt Busiek
Nombre de pages : 160 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 3 avril 2024
LE PITCH
Dans un monde uchronique en pleine Première Guerre mondiale, Fletcher Arrowsmith, membre des Unités d’Élite Aérienne, est envoyé en mission secrète en territoire ennemi, afin de trouver un mystérieux allié et tenter de stopper un plan qui pourrait détruire toute l’Europe. Sur sa route, il va trouver des sorciers, des loups-garous et des trolls ennemis… et apprendre les véritables secrets de la magie.
La grande illusion
Publié presque vingt ans après la première série, mais édité seulement 5 mois après le premier tome chez nous, Behind Enemy Lines permet enfin de retrouver l’univers historique et féerique de Fletcher Arrowsmith et ce regard si particulier sur l’absurdité de la guerre… même avec un dragon sur l’épaule.
Petit classique de fantasy du début des années 2000, le Arrowsmith de Busiek et Pacheco avait gagné au cours des années ses galons d’incontournable, de références même, les fans réclamant à corps et à cris la publication d’une suite. Un plan qui était bien entendu depuis longtemps dans les cartons de son créateur, mais qui ne trouva finalement écho qu’en 2022 chez Images Comics, avec en préambule une réédition TPB du premier volume. Un petit évènement ne le cachons pas où l’on perçoit très rapidement le long chemin parcouru par l’artiste Carlos Pacheco (Avengers Forever, Trinity, Fantastic Four…), autrefois espoir méritant d’une nouvelle génération de dessinateurs, ici devenu une signature qui compte, établie, et dont clairement le coup de crayon s’est considérablement affirmé, se faisant nettement plus stable, plus précis, plus doux aussi… Certains iraient même jusqu’à dire plus anonyme. C’est pourtant là la signature d’un grand qui délaisse un style plus visible au profit d’une modestie, d’une discrétion, entièrement au service de l’histoire et de son univers. Les planches sont gracieuses, finement construites, jouant habilement sur l’opposition entre les teintes éteintes de l’Europe plongée dans la 1ere Guerre Mondiale et les explosions de couleurs et de lumières signifiant l’apparition de créatures magiques. D’ailleurs si la première série se concentrait surtout sur le regard douloureux d’un jeune homme plein d’espoir sur l’implacable dureté de la guerre, la perte constante de ses amis et alliés et en filigrane sa perte d’un idéalisme patriotique, le second creuse sans doute beaucoup plus profondément dans les racines même de cet uchronie.
La magie et rien d’autre.
Sous couvert d’une mission à très hauts risques de l’autre coté de la ligne de front, Behind Enemy Lines fait avancer progressivement un Fletcher Arrowsmith certes moins naïf mais au sens moral toujours aussi solide, au-delà des brumes de la propagande et des fantasme. Entre grand récit d’évasion d’un camps ennemis et longues avancées dans les régions interdites façon espionnage, ces six nouveaux chapitres distillent de nombreuses révélations sur les origines de l’apparition de la magie, son implication dans l’ordre mondial, et la menace que cela fait peser autant sur le monde des hommes que sur celui des êtres magiques. Peut-être moins intense, mais néanmoins passionnante, cette seconde mini-série développe considérablement les ambitions du récit et place le héros au carrefour d’enjeux plus complexes et imposants encore.
Auteur solide, scénariste appliqué, Kurt Busiek (Astro City, Marvels, Thunderbolts…) est surtout particulièrement efficace quand il manie un environnement du merveilleux (ici les créatures de contes de fée en remplacement des super-héros) et qui y insinue des éléments plus matures, plus sombres et humains qui viennent le nourrir. Arrowsmith est à ce titre une de ses plus grandes réussites, la fantasy qui sert de toile de fond ne perdant jamais totalement de son pouvoir d’émerveillement et ce malgré les hommes tombés au champ d’honneur, les sacrifices cruels et la dureté du réel. A chaque fois qu’Arrowsmith s’envole emporté par la magie de son dragon familier Hilda, son visage s’illumine comme au premier jour.
De grandes retrouvailles donc, clairement conçues comme l’album central d’une trilogie (au moins) distillant de nombreux éléments amenés à se développer par la suite… Malheureusement Carlos Pacheco nous a quitté en novembre 2022, quelques semaines après avoir achevé les pages en présence. Et par sûr que Kurt Busiek ait le courage de repartir tout seul sur les traces des Terres du soir.