ARCADIUM
France – 2023
Genre : Horreur, Thriller
Dessinateur : Nikopek
Scénariste : Nikopek
Nombre de pages : 144 pages
Éditeur : Ankama Editions
Date de sortie : 27 octobre 2023
LE PITCH
1989, Rosebud, Montana. Gavin, 20 ans, se rend à la police et passe aux aveux : il aurait tué son beau-père, sa mère et ses demi-frère et sœur. Il dévoile alors les événements des jours qui ont précédé son acte et les raisons qui l’ont poussé à commettre l’irréparable… Et ce qui ne devait être qu’un simple interrogatoire pour l’inspecteur Dumond, va progressivement sombrer dans la noirceur d’un récit fantasmagorique dont personne ne sortira indemne.
Killing Machine
Révélé par Rockabily Zombie Superstar cocréé avec Lou, dont il offrit une conclusion en solo dans le plus balancé encore Rockabilly Zombie Apocalypse, Nikopek revient avec un one shot toujours en solo. Les influences 80’s et horrifiques sont encore plus évidentes que jamais dans Arcadium, trip entre nostalgie et cauchemar.
Parfaitement nourri par tout ce que la fameuse décennie a pu offrir de culture pop et d’esthétique aux néons tour à tour électrisants et inquiétants, Nikopek incarne son récit dans une habituelle petite ville américaine, middle class alors que les années 90 se profilent à l’horizon. Metallica dans le baladeur, petit job dans le vidéoclub du quartier en attendant mieux, détour obligé par la salle d’arcade, la vie de Gavin ressemble à celle de beaucoup d’autres entre soirées entre potes, rendez-vous toujours foirés avec la jolie blonde d’à côté et prises de gueule avec la famille (et en particulier le beau-père). Mais le massacre perpétré dans une famille près de chez lui semble réveiller d’étranges cauchemars et surtout entrainer une succession de rencontres étranges et de montées de colère qui menacent clairement son quotidien. Peu à peu Gavin devient alors malgré lui enquêteur de l’affaire s’efforçant de comprendre quel est son lien avec elle et avec un autre crime équivalent perpétré 8 ans plus tôt. Enquêteur sur lui-même aussi, tirant le fil d’un passé enfoui… ou réécris.
Folie virtuelle
Un thriller particulièrement sombre qui joue constamment à brouiller sadiquement les pistes et surtout à mélanger allégrement, et pas toujours quand on s’y attend, une forme de réalisme aux abords d’une chronique de la jeunesses américaines, et pur récit horrifique s’inscrivant dans une étrangeté de plus en plus prégnante. Arcadium travaille ainsi un glissement progressif du récit, une lente et inéluctable plongée dans un mauvais rêve intense et graphique. Nikopek ne manque pas d’ambition faisant plier son dispositif relativement classique sous une mythologie personnelle, improbablement entre Lovecraft et TRON, où la peur ne nait pas forcément des démonstrations de violence ou de visions sordides, mais surtout d’une atmosphère lourde, malaisante et on ne peut plus trouble…Voir un peu abscons parfois, tant on peut s’y perdre et ne plus trop savoir où se dirige l’album dans sa succession de révélations, de vrai-faux flashbacks et de visions trompeuses. Mais quoi qu’il arrive l’atmosphère très particulière des pages et le sentiment de folie communicative restent particulièrement réussis, agrémentés de planches qui cherchent beaucoup moins le détail et la précision, que le ressenti poisseux et le décor lourd baigné dans une lumière le plus souvent éteinte, diffuse comme sur un vieil écran cathodique.
On est assez loin ici du revival gentillet et usé à la Strangers Things, Arcadium quêtant plutôt une relecture plus crue et instable de l’esthétique aujourd’hui tant regrettée des 80’s. La nostalgie laisse la place au fantasme macabre et ce n’est pas plus mal.