Une humanité au bord de l’extinction après avoir vidé sa planète d’origine de tout son potentiel s’embarque à bords d’arches gigantesques pour des voyages à l’autre bout de l’univers en quète de nouvelles planètes habitables. Mais comme souvent rien ne se passe comme prévu et les habitants de l’Arca III sont réveillés quelques milliers d’années trop tard dans un lieu étrange et inquiétant : un tube gigantesque qui semble sans début ni fin. Comme un piège qui se referme progressivement sur les survivants. Ils doivent en plus réussir à composer désormais avec les entités biologiques, les jardiniers, autrefois organismes microscopiques voués à préserver les réserves végétales, mais qui ont évolués à vitesse accélérée jusqu’à la forme actuelle d’insectes aussi gros qu’une main, capable d’entamer leur propre civilisation et de reproduire le langage humain. Eux semblent avoir largement trouvé leur compte dans ce lieu sans étoile, isolé, tandis qu’Éric, malgré les réprimandes de sa compagne, est toujours mu par le même désir d’exploration. La question devient alors quasiment philosophique entre l’acceptation d’un confort succinct mais d’une sécurité affichée, ou la perpétuation d’une éternelle recherche d’un ailleurs, d’un monde meilleur. Et naturellement les deux tendances vont rapidement se radicaliser et se confronter.

La lumière au bout du tunner

Adaptant donc ses propres romans, et en particulier Pyramides avant le suivant La Dernière arche dans un hypothétique second album, Romain Benassaya en maîtrise parfaitement tous les contours, s’appuyant sur un univers complexe qu’il a parfaitement en tête et réussit dès lors à jouer avec des concepts scientifiques comme la relativité temporelle ou des thèmes écologiques, civilisationnelles, politiques… Mais aussi avec des drames parfaitement humains voir intimistes lorsque le couples central se voit déchiré par leur vision respectives qu’ils doivent offrir à leur enfant à naitre. Un récit dense et complexe, constamment renouvelé par de nouvelles voies et questions (la pyramide contenant la carte des lieux laissée là par une espèce disparue, les verts géants qui semblent vouloir dévorer tous ceux qui veulent s’échapper, les colonies plus ou moins abandonnées rencontrées en cours de route…) qui s’amoncellent tout au long d’un récit qui s’engouffre de plus en plus généreusement dans une science-fiction décomplexée. Avec Arca, Benassaya offre aussi à voir un monde foisonnant, jamais très loin des grandes œuvres du genres, littéraires (Arthur C. Clarke, Dune…) ou cinématographiques (Alien…) subtilement réorganisées par l’artiste espagnol Joan Urgell. Dessinateur déjà derrière Clivages ou Dead Life, il semble ici trouver pleinement son point d’équilibre entre la ligne clair européenne et un réalisme plus maniéré, entre un traitement couleur direct en aquarelle et des designs futuristes et cryptozoologiques crédibles, aboutissant à des planches parfois oppressantes, à échelle humaine, mais aussi très souvent impressionnantes. Un album solide au suspens particulièrement efficace.