AQUAMAN : ANDROMEDA
Aquaman Andromeda #1-3 – États-Unis – 2022
Genre : Science-Fiction, Super-héros
Dessinateur : Christian Ward
Scénariste : Ram V
Nombre de pages : 168 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 7 juillet 2023
LE PITCH
Au plus profond de l’océan Pacifique se trouve l’endroit le plus éloigné de toute terre : le Point Nemo. Depuis la course à l’espace, les nations du monde entier y ont envoyé leurs vaisseaux s’écraser pour couler sous les mers silencieuses. Mais il y a quelque chose… d’autre à Point Nemo. Une structure qui n’a pas été construite par des mains humaines. Et cette structure semble se réveiller. L’équipage du sous-marin expérimental Andromeda a été choisi pour enquêter sur ce mystère, mais ils ne sont pas seuls à écumer les fonds marins…
Deep Blue Sea
Juste avant de débarquer à l’aéroport de Gotham, le scénariste Ram V (These Savage Shores, Toutes Les Morts de Laila Starr, Swamp Thing Infinite…) faisait un détour par le fond des mers pour croiser le chemin d’un Aquaman inédit, seigneur des abysses en prise avec une menace qui fouille le cœur des âmes.
Inclus dans le désormais bien ancré Black Label (détaché de toute chronologie handicapante donc), Aquaman Andromeda permet véritablement au scénariste d’aborder le Prince de mer d’une manière assez inédite, et surtout à la fois éloignée des codes du récit super-héroïque ou des aventures Fantasy, le plus souvent lumineuses, qu’on lui connait. Et en l’occurrence, il n’est finalement pas si présent physiquement que cela dans l’album, redevenant une figure mythique, mystérieuse et peu connue des hommes. Une légende, réinventée sous la forme d’une version concrète de Poséidon lui-même (sa nouvelle armure recouverte de coraux et de coquillage est splendide) qui garde les origines qu’on lui connait (fils d’un gardien de phare et d’un atlante), mais que Ram V replacent au centre de l’essence du personnage tiraillé entre son devoir et ses désirs d’une vie humaine normale, entre les abimes et la surface. Une dichotomie qui charpente l’ensemble du récit puisque tous les membres de la mission Andromeda, aussi différents soient-ils, partagent tous ce mélange de fascination et de crainte, d’attirance et de répulsion envers les mystères marins, à chaque fois concrétisé par des souvenirs ou un trauma qui va venir inévitablement les hanter au contact de cette étrange objet tombé au point Nemo.
Histoires universelles
On n’est ici jamais très loin d’un trip comme Event Horizon, voir 2001, dans cette confrontation entre un équipage scientifique et militaire rodé, et une force inexplicable et étrangère qui vient dérober leur assurance sous leurs pieds, les entrainant vers la folie et l’autodestruction. Un objet profondément lié aux premières heures de la civilisation atlante et qui pourrait définitivement anéantir toute vie sur terre. En dehors d’un affrontement, presque hors-champs, contre un gigantesque Kraken comme sorti d’un célèbre roman d’aventure, Aquaman n’aura que peu d’occasion de jouer de ses pouvoirs, aidant surtout la française Vernes (au cas où on aurait pas compris) et ses camarades survivants, à trouver un moyen pour détruire les lieux. Entre récit légèrement horrifique, terreurs psychologiques et surtout exploration magique de l’origine des mythes et la puissance des « histoires », Aquaman Andromeda repose forcément beaucoup sur la performance visuelle et la mise en image de ses contours les plus atmosphériques. Et Ram V offre ainsi à Christian Ward, déjà très apprécié sur les expériences cosmiques ou space opera Invisible Kingdom et ODY-C, un environnement à la fois futuriste, concret et impalpable, qui sied à merveille à son style évanescent, épuré et sensible, où les visions les plus grandioses glissent forcément vers l’échappée onirique ou le cauchemar viscéral. Si comme souvent certains de ses personnages semblent parfois à peine esquissés, vaguement brossé (voir un peu bâclé ?), sont travail sur les compositions et surtout sur les couleurs, est admirable et véritablement spectaculaire.
Un voyage sous-marin étonnant qui aurait sans doute pu se permettre de pousser plus loin ses jaillissements horrifiques et de se passer aisément de l’apparition peu pertinente de Black Manta (aussi réussi que soit son nouveau design), mais qui offre à Aquaman une vision à la hauteur de sa grandeur, de sa puissance et de ses origines qui plongent dans les plus grandes légendes du fond des âges.