ANZUELO
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Etats-Unis – 2024
Genre : Fantastique
Dessinateur : Emma Rios
Scénariste : Emma Rios
Nombre de pages : 304 pages
Éditeur : 404 Graphic
Date de sortie : 23 janvier 2025
LE PITCH
La Mer était plus vivante qu’on ne l’imaginait, elle s’est levée un jour, submergeant le monde. Voici l’histoire de trois enfants survivants, perdus, mais réunis autour de changements physiques et mentaux provoqués par la terrible marée. Trois enfants désireux de ne plus jamais nuire à aucune créature vivante.
La couleur venue de la mer
Emma Rios, la créatrice de Hexed, Mirror et Pretty Deadly s’échappe définitivement des standards des comics avec Anzuelo, roman graphique de plus de trois-cents pages entièrement peintes à la main et qui lui aura demandé trois ans de travail acharné. Une toile en mouvement qui aura même échappée à l’artiste en cours de route. Un rêve visuel énigmatique et labyrinthique.
Lendemain d’un tsunami, d’une fin du monde. Trois jeunes gens se réveillent sur une plage, déposés là par quelques créatures gigantesques mais bienveillantes. Au-delà de la question de la persistance de l’ailleurs et de l’avant, il faut réapprendre à survivre, explorer les rares terres à portée, explorer la psyché de ces camarades d’infortune, et se réorganiser. Pour attendre des secours ou recommencer une humanité ? Les choix se feront au jour le jour, au fur et à mesure de l’arrivée d’autres échoués, de la recherche de nourriture (compliquée quand on ne veut tuer aucun autre être vivant) mais aussi de l’apparition de nouvelles transformations qui les touchent. Celles-ci semblent les mêler de plus en plus symbiotiquement à leur environnement, leur donner l’opportunité de devenir vent, oiseau, créature amphibie, corail, dauphin… Rien n’est figé dans Anzuelo, œuvre constamment en mouvement où l’histoire se mute autant que ses personnages, dépassant rapidement ses simples airs de survival pour prendre l’apparence d’un récit de science-fiction expérimental traversant les années et les réalités.
Dans quel état j’erre ?
La mort y est omniprésente, mais comme un autre visage d’une vie fluctuante, liquide et insaisissable. Emma Rios livre ici une œuvre des plus personnelles, très particulière où il ne faut surtout pas chercher une construction classique, un voyage tout tracé et une narration légère. D’ailleurs ses héros, autant que les aspects palpables de l’univers qu’elle déploie, leur physicalité, semblent tous autant perdus dans des planches surréalistes quêtant plus la naissance de sensations, d’émotions, que la représentation nette. Des pages en formes de toiles, abordées comme les aquarelles aux reflets pastel d’un mélange de rêves, où l’océan grignote constamment la frontière avec la terre, où les profondeurs se dédoublent et où l’animal et le végétal se fondent dans un maelstrom dramatique et sublime. L’artiste se laisse emporter par son inspiration, suit les vagues de sa propre histoire et peut en effet oublier quelques naufragés dans les ressacs. Réflexion sur la place de l’humain dans l’ordre du monde, sur son rapport à la nature ou la difficile barrière de sa solitude ? Vision lovecraftienne quasi-solaire d’une invasion sidérante ? Drame sentimental autour d’adolescents qui ne se feront jamais aux changements de l’âge adulte ? L’autrice ne répond jamais clairement et oblige le lecteur à accepter de ne jamais saisir tout ce qui se passe, tout ce qui se dit, tout ce qui se fait, ou est censé se faire, sur les pages qui se déroulent. Un sublime poème graphique aux charmes sibyllins.