ALICE IN KYOTO FOREST T.1&2
京洛の森のアリス – Japon – 2019
Genre : Fantastique
Dessinateur : Niwa Haruki
Scénariste : Mai Mochiduki
Nombre de pages : 176 et 192 pages
Éditeur : Delcourt / Tonkam
Date de sortie : 5 juin 2024
LE PITCH
Ayant perdu ses parents très jeune, Alice endure depuis des années l’antipathie de l’oncle chez lequel elle vit et rêve de prendre son indépendance. Elle décide un jour de retourner à Kyoto dans l’espoir de devenir apprentie geisha. Mais en huit ans, sa ville natale a bien changé et alors qu’elle erre dans les rues… ses peluches de grenouille et de lapin blanc se mettent à parler ?!
De l’autre coté du miroir, japonais
Les adaptations libres d’Alice au pays des merveilles pullulent. Surtout au Japon, où le manga s’est très régulièrement emparé des grandes lignes du texte de Lewis Caroll pour l’embarquer vers des univers inatendus, contemporains et exotiques pour un lecteur européen. Alice in Kyoto Forest n’est donc pas le premier et ne sera certainement pas le dernier.
D’ailleurs à l’origine Kyouraku no Mori no Alice est lui-même une série de romans à succès imaginés par Mai Mochiduki auteur dont l’œuvre revient très régulièrement dans les rues de sa ville natale Kyoto et y mêle mystère et touches de fantastique. Adaptation du premier livre en manga, les deux tomes désormais traduits au sein de la collection Moonlight de Delcourt / Tonkam, y mettent cependant les deux pieds joints lorsqu’ils emportent la gentille mais malchanceuse Alice dans une ville de Kyoto hors du temps, à la fois encore très marquée par l’ère Meiji, traversé de quelques déités mais aussi de voyageurs contemporains. Jeune orpheline peu aidée par sa famille d’adoption, Alice découvre un monde féerique et joyeux, aux règles étranges qui oblige les habitants à assumer leurs véritables envies et leurs passions. Alice était prête à devenir apprentie geisha pour des raisons purement alimentaires, mais ce Kyoto là frappe durement ceux qui transige avec leurs désirs, la faisant s’affaiblir dangereusement jusqu’à ce qu’elle se rende compte que seule la littérature et l’ouverture d’une librairie peut la contenter. Accompagnée d’un lapin majordome et d’une grenouille qui parle, cette Alice est enfin prête à prendre sa place dans cet autre Kyoto.
De l’autre côté du pont
Un récit initiatique plutôt charmant, vision certes un peu naïve parfois du passage à l’âge adulte et la découverte de sa propre identité, Alice in Kyoto Forest est aussi nourri des codes du shojo et va peu à peu emmener son récit vers des retrouvailles amoureuses inattendues et effectivement digne d’un conte à l’ancienne. Si on ne retrouvera jamais vraiment ici la folie et l’audace du véritable Alice au Pays des merveilles, le manga s’avère tout à fait charmant et dépaysant jusqu’à ce qu’il se perde clairement dans le deuxième volume dans une histoire laborieuse et totalement hors sujet de secte satanique (oui, oui). Un décrochage bizarroïde qui tranche bêtement avec l’atmosphère enjouée et naïve de l’aventure très agréablement apportée par les illustrations fines et délicates de Niwa Haruki, jeune artiste tout récemment échappée du milieu du doujinshi. Lignes claires et expressives, personnages pleins de rondeurs et de vie, des décors pleins de charmes et de magie et un découpage maitrisé malgré la profusion de trames, de personnages et de petites ellipses, permettant de faire rentrer tout l’histoire en deux tomes seulement.
C’est clairement elle qui fait ici office de lapin blanc, faisant entrer le lecteur dans un petit conte moderne et mignonnet, délivrant de très belles compositions s’efforçant de faire oublier en cours de route les petites faiblesses d’une histoire, il est vrai, un peu trop simpliste au-delà de son concept initial.