ALICE AU PAYS DU CHAOS
Alicia en el pais de nunca jamas – Espagne – 2005
Genre : Erotique, Horreur
Dessinateur : Manolo Carot
Scénariste : Manolo Carot
Nombre de pages : 88 pages
Éditeur : Tabou BD
Date de sortie : 02 mai 2023
LE PITCH
Alice se réveille au sein d’une étrange maisonnée. Qui est cette femme attentionnée qui s’occupe d’elle ? Et qui est cette gamine muette qui la regarde avec l’admiration d’une petite sœur ? Mais où est-elle ? En quête d’une réponse à toutes ses questions, c’est le destin qui va lui répondre avec toute la force dont il sait faire usage, l’entraînant dans un monde délirant où le sexe est la monnaie d’échange la plus efficace pour survivre dans ce cauchemar. Bienvenue Alice, au Pays du Chaos.
ça glisse ?
La pauvre petit Alice n’en a décidément pas fini avec le monde pervers de la bande dessinée. On ne compte plus en effet les multiples variations, détournements et autres parodies qui l’entrainent dans des contrées aux merveilles beaucoup plus charnelles qu’autrefois. Et avec Manolo Carot c’est carrément en pleine apocalypse mutante qu’elle découvre les joies (et malheurs) de l’épanouissement sensuel.
D’ailleurs en dehors d’un titre qui annonce la couleur et quelques références très discrètes en cours de route il faut vraiment être un acharné pour reconnaitre la structure du conte, déjà délurée, de Lewis Carol. Sans doute que dans cette séquestration où Alice et sa comparse muette se retrouvent à cohabiter avec une nymphomane droguée par un savant pervers peut s’apparenter à la fameuse cérémonie du thé ou quelques souvenirs échangés avec un groupe de survivants (qui ne parlent bien entendu que de cul) peut avoir quelques liens avec le tribunal final, mais il faut tout de même tirer les cheveux jusqu’aux racines. De toute façon, cette Alice là est brune et n’a rien de l’innocente gamine bien apprêtée, et si elle se réveille amnésique dans une réalité des plus chaotiques et dangereuses, elle se souvient encore de deux trois petites choses de ses cours d’histoires naturelles. Pré-publié dans les pages de la revue Kiss Comix, Alice au pays du chaos se structure comme une succession de scénettes pas toujours imbriquées les unes dans les autres, suivant l’échappée de la sympathique demoiselle dans un monde où les mâles ont rapidement tendance à se transformer en bandards fous violant tout ce qui bouge. Pas que des inconvénients aux situations tant ils deviennent imaginatifs, performants et méchamment membrés, mais comme ils ont aussi tendance à bouffer ensuite leurs partenaires…
Rabbit Hole
Pas qu’un scénario prétexte, car on sent bien que l’auteur tente parfois de donner un peu plus d’épaisseur à son récit avec une certaine montée en puissance quasi-biblique dans la dernière partie ou quelques tentatives de creuser un chouia les liens entre certaines des autres survivantes croisées en cours de route, mais le sexe prend beaucoup de place dans une trame qui va déjà vite. Ça baise dans tous les sens, dans toutes les positions, seuls ou à plusieurs avec même quelques délires limites manga, et les pages se tournent d’autant plus vite. En dehors de ces prouesses sexuelles, l’album vient surtout titiller en effet les souvenirs bisseux des lecteurs rompus aux récits horrifiques et gores (attention c’est violent !) et aux amoureux de films de zombies qui reconnaitront de multiples allusions au mythique Dawn of the Dead de George A. Romero… les galipettes effrénées en plus. Pas si original que cela finalement à l’arrivée, mais si Alice au pays du chaos a connu un certain succès à sa première sortie c’est clairement grâce au talent de Manolo Carot, ou Man comme il signe parfois, maniant avec talent la palette graphique, multipliant les angles de vue acrobatique et imposant un style particulièrement vif et charnel aux contours légèrement japonisant.
Des planches détonantes et pourtant le dessinateur en était presque à ses débuts puisqu’il s’est depuis régulièrement affranchi du porno avec des albums solo comme le très réussi La Chute de Dante (publié chez Glénat) ou en reprenant avec talent les dessins de l’adaptation de Millenium par Sylvain Runberg. Les superbes tableaux inédits proposés en fin de cette réédition et la nouvelle couverture qui claque démontre largement la maturation de l’artiste.