ADASTRA IN AFRICA
Etats-Unis – 1999
Genre : Aventure, Fantastique
Dessinateur : Barry Windsor-Smith
Scénariste : Barry Windsor-Smith
Nombre de pages : 52 pages
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : 23 octobre 2024
LE PITCH
Adastra in Africa met en scène une jeune déesse exilée qui se rend dans un village africain et s’efforce d’apporter le salut à cette région frappée par la famine. C’est l’histoire passionnante d’une étrangère qui tente d’utiliser ses propres méthodes non traditionnelles pour aider un peuple fier à retrouver sa vitalité, sans compromettre l’héritage et les valeurs de la tribu.
Renaissance
Après Monstres en 2021, Delcourt propose un nouveau récit inédit en France imaginé par le talentueux Barry Windsor-Smith. Là encore un superbe album, né de vieilles frustrations chez Marvel, réinventées en aventure graphique des plus personnelles.
C’est l’un des plus grands artistes de l’âge de bronze des comics, l’une des signatures les plus remarquables de Conan, le créateur d’Archer & Armstrong chez Valiant, l’auteur du cultissime Arme X mais aussi l’illustrateur de l’un des arcs les plus importants des X-Men aux cotés de Chris Claremont. Une période durant laquelle Tornade perdit ses pouvoirs et se lança dans une sorte de pèlerinage en terres africaines afin de retrouver ses racines et sa nature profonde. Lifedeath, dont le troisième chapitre aurait dû être entièrement imaginé, écrit et dessiné par Barry Windsor-Smith. Mais Marvel n’apprécia pas vraiment ne pas avoir eu de contrôle sur l’épisode et ne gouttait que trop peu la réflexion apportée sur la valeur du sacrifice et du don de sa vie pour protéger ses proches, ici acte de religion qui rappelle pourtant le crédo du super-héros. L’artiste repart avec ses planches, et quelques ressentiments sous le coude, mais n’abandonne certainement pas son idée. Une dizaine d’années plus tard, il crée de toute pièce la revue anthologique Storyteller chez Dark Horse comprenant trois séries distinctes dont Young Gods, hommage avoué aux Quatrième monde de Jack Kirby, dans lequel apparait une déesse, grande, forte, sauvage et fière : Adastra. Comme son épisode de Hulk deviendra l’album Monstres, plébiscité par le prix Comics de l’associations des critiques et journalistes de bande dessiné en 2022, l’hypothétique Lifedeath III sera alors remodelé, corrigé et reconstruit pour devenir une aventure inédite de jeunesse de cette Adastra, exilée sur terre par sa mère.
Goddess !
Un petit jeu d’écriture, quelques références gommées, des formes plus athlétiques pour l’héroïne, et Barry Windsor-Smith réussit le tour de force d’offrir une aventure atypique et « romancée » à la jeune déesse (comme elle le fait remarquer avec ironie dans la fausse interview publiée en fin d’album) tout en restant profondément proche du projet initial et de l’âme torturée et bienveillante de la Storm originale, elle-même « déesse » des orages, enfant d’Afrique s’efforçant d’apporter réconfort à un continent abimé et marquée par les famines. Elle revient ici (Storm ou Adastra ?) dans le village qui l’avait recueillie quelques années plus tôt. Elle découvre comment l’industrialisation et la pollution ont ravagé les tribus environnantes et s’efforce de les ramener vers leurs forces profondes, leur rapport à la nature tout en gardant sur un eux un regard emprunt d’un profond respect pour leurs croyances, leur culture et leurs souffrances. Un conte fantastique et humaniste, portée par la prose toujours très stylisée de l’artiste, voir poétique et lyrique, mais aussi et avant tout par un travail extrêmement riche sur son découpage, la puissance de ses compositions, l’accent apporté sur les corps et les visages, la puissance des paysages et une nature emprunte d’un mysticisme impérieux. Surtout, Adastra in Africa est livré dans sa forme la plus pure, un album entièrement découpé dans un noir et blanc tranché, fouillé, presque sculpté, qui offre un relief et une puissance fascinantes à ces sublimes planches.
Démonstration de force, démonstration de grâce, on se demande encore comment Marvel a pu dans les années 80 passer à côté de cette belle histoire. Tans pis pour eux… tant mieux pour nous.