A VICIOUS CIRCLE T.1
Etats-Unis – 2022
Genre : Science-Fiction
Dessinateur : Lee Bermejo
Scénariste : Mattson Tomlin
Nombre de pages : 64 pages
Éditeur : Urban Comics
Date de sortie : 26 janvier 2024
LE PITCH
Si Shawn Thacker vous disait ce qu’il est et d’où il vient, vous ne le croiriez pas. Car Shawn Thacker est non seulement un assassin, mais il vient surtout du futur. Depuis l’assassinat de sa famille, il cherche à se venger du seul homme à partager la même malédiction que lui : être projeté dans le temps et l’espace à chaque fois qu’ils prennent une vie humaine. Du XXIIe siècle tokyoïte à la Nouvelle-Orléans des années 1950, en passant par l’ère jurassique et au-delà, les deux rivaux s’affrontent avec violence dans l’espoir de changer le cours de l’Histoire.
Abel et Cain à travers le temps
Dans la foulée du simili artbook Cher Détective, Urban Comics propose une autre création estampillée Lee Bermejo (Batman Damned) : A Vicious Circle. Une nouvelle prise de risque pour l’artiste et un sacré pari graphique puisque le scénario imaginé par Mattson Tomlin (Project Power, Batman Imposter) l’emporte au travers d’un cyclone temporel décoiffant.
Planches en noir et blanc. Style hyper réaliste aux matières et détails dignes d’une photo ultra contrastée, les premières planches de l’album présente Shawn Thacker et sa petite famille qui se réveillent paisiblement dans l’Amérique des 50’s. Vision presque idyllique, nostalgique, si l’on ne découvrait pas que le père garde un homme enchainé sur une chaise, masqué, dans sa cave. Et cette vie bien rangée en apparence va rapidement déraper, et comme va le découvrir le lecteur, retrouver son cours normal fait de chasse à l’homme à travers les époques entre les deux hommes ivres de haine, dont la seule façon de voyager dans le temps est de commettre un meurtre. Thadeus a des petits airs de Doc Savage et de Bruce Willis dans Incassable, Ferris s’apparente plus à un sociopathe aux airs de chien fou. Comme dans Terminator l’un était venue du futur pour stopper une machine de mort, l’autre pour s’assurer qu’elle soit bel et bien activée, mais leur affrontement à désormais quelque chose de manifestement plus personnel que cela.
La mort aux trousses
Sacré pitch de départ pour un premier volume qui en dehors de son introduction presque « à l’ancienne » et quelques rares pauses pour disséminer les informations nécessaires à l’avancée de l’histoire est lâchée comme une locomotive sauvage, enchainant les poursuites, les affrontements meurtriers et les sauts temporels à un rythme haletant. Juste ce qu’il faut de dialogues. Juste ce qu’il faut de mise en place. Juste ce qu’il faut pour que Lee Bermejo puisse livrer ce qu’il considère comme le travail le plus complexe de sa carrière. Car si déjà on sait l’artiste maniaque dans ses illustrations type couvertures, ici il n’hésite pas à faire légèrement dévier son style en fonction des temporalité traversées. Le futur à la Blade Runner se fait nettement plus lumineux et démonstratif et les quelques pages finales voyant les deux ennemis s’écharper en enchainant les bonds lui permet par exemple de livrer une vision de la guerre de Sécession digne d’une grande peinture à l’huile, ou de s’amuser, discrètement, à rendre hommage aux collègues Mike Mignola, Dave Stevens ou Frank Quitely. Une prestation d’autant plus généreuse que A Vicious Circle est proposé directement dans un format plus large, presque carré, et une pagination plus proche des albums franco-belge (même aux USA) qui permettent clairement à Bermejo de prendre ses aises pour explorer, expérimenter et offrir des compositions constamment riches et puissantes.
Imposant démarrage donc pour A Vicious Circle entre action et science-fiction, entre BD et comics, où n’affleurent pour l’instant que très légèrement les thèmes centraux (le cercle de la violence, l’acte destructeur de la mort, la question raciale…) évoqués par les auteurs dans l’interview glissée en fin d’album, mais qui devraient se faire plus nets par la suite.