300
États-Unis – 1998
Genre : Action, Historique
Dessinateur : Frank Miller, Lynn Varley
Scénariste : Frank Miller
Nombre de pages : 176 pages
Éditeur : Huginn & Muninn
Date de sortie : 20 octobre 2023
LE PITCH
En 480 avant Jésus-Christ, en Grèce, 300 soldats s’apprêtent à affronter la plus grande armée jamais assemblée : celle de Xerxès Ier, souverain perse et conquérant tout-puissant. Venus de Sparte, et menés par Léonidas, leur chef incontesté, ces 300 combattants ont été entraînés depuis leur enfance à la guerre. Ils ne connaissent ni la pitié ni la peur et constituent le dernier rempart d’une démocratie grecque encore balbutiante : les premiers hommes libres face à des légions d’esclaves. Prêts à tous les sacrifices, leur destin les mène jusqu’au lieu de leur ultime bataille : les Thermopyles.
This is Miller !
Après la réédition des deux premiers tomes de Sin City, Huginn & Muninn embraye avec l’autre manifeste graphique de Frank Miller : 300. Une charge épique et furieuse proposée dès le 20 octobre dans son édition originale au format comic puis le 19 janvier 2024 dans une édition « beau livre » collector au format à l’italienne. Choisis ton camp guerrier !
Projet totalement hors norme et surtout complètement hors des frontières habituelles du comic américain (un péplum en BD !!), 300 est pourtant une œuvre qui a surnage durant des années dans les créations de Frank Miller. Son intérêt pour ce haut fait d’arme remonte d’ailleurs à son enfance lorsqu’il découvrit dans une salle de cinéma le film de Rudolph Maté La Bataille des Thermopyles (The 300 Spartans, 1962) solide péplum hollywoodien, et fut frappé par une dure réalité : les héros ne gagnent pas toujours à la fin ! Une notion qui traverse tout son œuvre, des sacrifices de Matt Murdoch et Elektra aux gueules cassées de Sin City et qui a bien souvent teinté ses publications d’un fatalisme, déchirant. L’image même de héros repliés dans un défilé étriqué comme unique défense contre une armée en surnombre se descelle dans de nombreuses planches antérieures. Il faut reconnaitre que cette image a un pouvoir d’évocation sans pareil. Une puissance cinématographique pour sûr.
La dernière bataille
Et Miller ne s’y trompe pas lorsqu’il se lance enfin dans sa propre exploration du mythe optant presque systématiquement pour des doubles pages stylisées à l’extrême, sur des panoramiques tout en rapport de force, en chocs de formes et de matières. 300 est bien une gigantesque toile à l’italienne, presque en cinémascope dont le cadre virile et militaire, le face à face entre le Roi Leonidas et le terrible conquérant Xerxès, semblerait presque secondaire face à l’époustouflante fresque qui se déploie à chaque page. Le scénario de 300 va ainsi à l’essentiel, installant très brièvement le contexte historique et mythologique, campant succinctement les différents personnages, exacerbant leur héroïsme, leurs postures iconiques, faisant souvent fi, et de manière totalement assumée, de la réalité historique au profit d’une illustration aux accents de Dark Fantasy… Jamais bien loin des rives d’une aventure ultime de Conan. Miller ne signe pas un documentaire visuel mais bien une extrapolation symbolique, une performance spectaculaire… Comme pouvaient l’être les grands peplum d’autrefois. Leonidas n’est plus un vieux roi à la barbe blanche mais un fier général aux muscles aussi hypertrophiés que ses 300 fidèles ; Xerxès un demi-dieux géant adepte du piercing, et sa garde rapprochée semble échappée d’un film de ninja. On y croise même le destin d’un sparte difforme, Ephialtes, tout droit sorti d’une production Universal Monster, qui cohabite avec quelques oracles s’envolant comme des sorcières en pleine bacchanale.
Sauvage, barbare, clinquant, (homo)érotisant souvent, ses planches encrées et colorisées par l’indispensable Lynn Varley se donnent bien souvent des airs furieusement bibliques, voir apocalyptiques. Le 300 de Frank Miller est une bataille sans fin qui vaut bien tous les ralentis du monde.