1629… OU L’EFFRAYANTE HISTOIRE DES NAUFRAGES DU JAKARTA : LIVRE II
France – 2024
Genre : Aventure
Dessinateur : Thimothée Montaigne
Scénariste : Xavier Dorison
Nombre de pages : 144 pages
Éditeur : Glénat
Date de sortie : 13 novembre 2024
LE PITCH
La traversée sanglante du Jakarta a pris fin sur les récifs des îles Abrolhos, un archipel perdu au large des côtes de l’Australie où les naufragés ont pu trouver refuge. Mais le naufrage est loin d’être la fin du cauchemar… Alors que le subrécargue, Pelsaert, est parti sur la grande chaloupe du Jakarta chercher de l’aide à Java, plus de 260 survivants se retrouvent sous l’autorité absolue de son second, Jéronimus Cornélius. En charge de l’organisation de la survie des naufragés, lui et les quelques mutins qui lui sont restés fidèles, ne vont en réalité s’atteler qu’à un objectif et un seul : faire disparaître ou massacrer tous les autres survivants afin, le jour dit, de pouvoir s’emparer du navire de secours et emporter avec eux les richesses du Jakarta restées sur l’île. L’archipel du bout du monde devient un enfer sur terre.
Sa Majesté des mousses
Deux ans après le premier album, déjà imposant de ces 130 pages et de son grand format luxe à la couverture toute en dorures, Xavier Dorison et Thimotée Montaigne viennent conclure leur diptyque maritime et survivaliste inspirée de la tragédie du Batavia. Une conclusion plus noire et brutale encore, mais toujours aussi flamboyante.
Plus grand navire de son époque et véritable fierté de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, le Batavia aura transformé son voyage inaugural en véritable cauchemar dont seulement un tiers des personnes montées à bord ressortira vivant. Une traversée sous haute tension, un échouage apocalyptique qui va se transformer sur les iles désertes accueillant les rescapées en mise à l’épreuve de la loi du plus fort sous l’impulsion d’un ancien apothicaire charismatique aux tendances psychopathes et tyranniques. Une histoire vraie dont s’inspire totalement 1629, mais avec laquelle les auteurs ont préféré prendre de légères distances (noms du navire et des personnages, ajout de la figure féminine Lucrétia Hans, évènements romancés…) mais aussi d’en édulcorer légèrement l’horreur des faits perpétrés pour le rentre plus lisible… et plus crédible. Quand l’histoire dépasse largement la fiction ! Et pourtant le récit remanié par Dorison (Les Sentinelles, Long John Silver, Undertaker…) impressionne par son implacable cruauté, sa terrible véracité et son impeccable efficacité. Une grande aventure maritime dans le premier album où déjà les inégalités et les fonctionnements reflétant un capitalisme aveugle dirigé par la VOC, impose une tension omniprésente et le sentiment d’une catastrophe en devenir.
Survivants
Une fois la carcasse du bateau envoyée par le fond et les naufragés débarqués sur l’archipel, 1629 ralentit certes le rythme, s’adaptant naturellement à celui au jour le jour imposé par les circonstances, mais scrute avec la même pertinence les fonctionnements humains et en particulier la mécanique de l’endoctrinement, de la peur et du laisser-faire qui mène à la naissance d’une communauté sous le joug d’une autocratie dévastatrice et meurtrière. Quelques petites touches de manipulations, une position de force assurée par une garde armée, la dispersion ou l’élimination des têtes fortes opposées… et le massacre peut commencer. La figure de Jéronimus Cornélius est absolument fascinante, évocation directe d’autre traces honteuses de l’histoire humaine ou d’autres dirigeants plus contemporains, mais celle de Lucrétia Hans ne l’est pas moins, femme désirée par lui et par les autres, qui résiste presque seule à l’horreur qui se déroule sous ses yeux. Un récit puissant, palpitant, spectaculairement mis en scène par le décidément brillant Thimothée Montaigne (Le Troisième testament – Julius, Le Prince de la nuit…) soulignant la puissance de la fatalité, instiguant une atmosphère funèbre et sauvage, tout en offrant des portraits fouillés et éloquents à chacun des personnages et des décors mis en image. Un certain classicisme dans le réalisme stylisé recherché, dans le jeu sur les couleurs, ici souvent éteintes, dans l’utilisation du hors-champ pour éviter de regarder le pire, mais une grammaire parfaitement cernée et appropriée qui achève ce diptyque avec autant de gravité que d’éloquence.
Du grand spectacle, fort et révélateur. Une BD qui prend aux tripes.